BLANCHE DE BOURBON, LE MYSTÈRE AUTOUR DE SA MORT EN 1361
Aujourd’hui, je vous parlerais d’une jeune fille de sang royal de France qui connut les pires moments de solitude et d’humiliations de sa jeune existence et mourut dans d’atroces souffrances. En 2019, dans mon blog : www.la-guerre-de-cent-et-nous.com, je vous faisais découvrir une femme qui vécut pendant la guerre de Cent Ans, Blanche de Bourbon (1339 – 1361). Depuis, j’ai approfondi mes connaissances par la lecture d’ouvrages d’écrivains et de chroniqueurs qui ont vécu au moyen âge, et d’autres, les siècles plus tard.
C’était une jeune fille blonde, belle et très pieuse, de sang royal capétien par sa mère Isabelle de Valois, petite-fille de Philippe III, roi de France. Elle était la belle-sœur de Charles V. Elle aurait pu couler des jours heureux et avoir des enfants si elle n’avait pas croisé le chemin de Pierre Ier, dit le cruel.
Pierre Ier ( 1334 – 1369) était le seul fils légitime d’Alphonse XI, roi de Castille et de Léon et Marie-Constance du Portugal, fille d’Alphonse IV roi du Portugal.
Dès ces 14 ans, sa mère Marie-Constance et son chambellan, Albuquerque, arrangèrent une union avec une fille d’Édouard III, roi d’Angleterre, Jeanne. Mais, celle-ci mourut de la peste noire, à 14 ans, en chemin, non loin de Bayonne. Maintenant, Pierre a 18 ans. Édouard III n’ayant plus une seule fille à marier, la reine mère et son chambellan se tournent vers le royaume de France. On discuta, on tergiversa, on s’entendit sur le montant de la dote, bref, on trouva à Pierre, une femme de sang royal de France, Blanche de Bourbon. Elle n’a que 14 ans. Cette fois, la descendance est assurée. La reine mère était heureuse, mais elle sera, bien, la seule. En effet, Pierre convola avec une jeune et jolie Espagnole, maria Padilla, noble femme castillane. Il tomba éperdument amoureux d’elle, en 1352. Cependant, le mariage avec Blanche de bourbon était toujours prévu. Contraint et forcé, Pierre Ier se maria en janvier 1353 à Valladolid. C’était un mariage de raison.
Cette alliance démarre mal. Le mariage ne sera pas consommé, car Pierre Ier la quitta deux jours plus tard, pour rejoindre sa maîtresse. Il fallut des menaces de sa mère, de sa tante Éléonore de Sicile, reine consort d’Aragon, et d’une insurrection militaire de confédérés emmenée par ses demi-frères, Henri Trastamare et don Tello, pour le faire revenir auprès de sa femme.
Il revint, mais repartit aussitôt, dès le calme fut revenu. Rien n’y fit. Pierre Ier ne reviendra pas dans les bras de la reine. Cela faisait huit ans que Blanche de Bourbon était emprisonnée dans différentes forteresses par son royal mari. Cette pauvre jeune femme dérangeait un roi sans scrupule, cruel et fourbe à l’excès. Avec Maria Padilla, il eut quatre enfants, trois filles et un garçon. Justement, nous sommes en juin ou juillet 1361.
Je vais vous raconter les dernières heures de sa vie. Emprisonnée depuis huit ans, elle passa ces derniers jours dans la forteresse de Médina-Sidonia, au sud de Séville. ( Ah oui ! Pour la suite, j’appellerai Pierre Ier, don Pèdre pour un roi assassin et Pierre Ier pour un roi gouvernant son pays) Don Pèdre, ce roi barbare conçut, donc, pour sa femme, une mort atroce. De Séville, il ordonna, à son serviteur, de lui administrer un poison pour la tuer. Ce dernier en parla à son capitaine, Iñigo Ortiz de Zuniga, qui était responsable de la surveillance de la reine. Il refusa d’exécuter cet ordre et partit aussitôt à Séville et y rencontra don Pèdre.
— Sire ! Le serviteur de la reine m’a averti que vous voulez tuer la reine de Castille. Je ne participerai pas à une telle action. J’ai fait mes preuves sur plus d’un champ de bataille, mais je n’ai point appris à tuer les femmes. Il m’a toujours semblé que le métier de soldat était différent de celui de bourreau. Je veux que vous me releviez de la garde de la reine. Je commettrais une trahison si j’acceptais ce marché. Majesté ! Trouvez quelqu’un d’autre pour exécuter votre sentence.
— Vous osez me désobéir, dit-il dans son délire paranoïaque, hors de ma vue, félon !
Il désigna un de ses arbalétriers, assassin de l’infant Jean d’Aragon, son cousin, et de son demi-frère, don Tello, quelques mois plutôt. De retour à la forteresse, Iñigo Ortiz lui remit la clé de la chambre de la reine et lui dit.
— Je sais ce que vous venez faire. Mais, prenez garde ! La reine est une illustre personne aussi importante et puissante que le roi de Castille. La France ne demandera pas des comptes qu’au roi, mais, aussi, à tous ceux qui auront participé à son assassinat.
— Je comprends ce que vous me dites, mais je dois obéissance à mon roi.
Ortiz, avant de partir, s’entretint avec Blanche. Les yeux en larmes, il lui dit.
— Dame, je vous conjure de faire attention à vous. Je suis fier d’avoir refusé ce que me demandait le roi contre vous.
Blanche consola le chevalier.
— Sire, je sais que le roi veut ma mort et je m’y attends bientôt. J’ai le bonheur, en ce moment, d’être en état de grâce. Que vienne le plus rapidement possible le poison qui va m’ouvrir la porte du ciel.
Alors qu’il se retira, le bourreau entra dans la chambre avec une coupe pleine de poison. Il lui dit.
— Madame, vous n’ignorez pas tous les griefs de votre mari, le roi de Castille, à votre encontre. Je viens vous apporter un remède à ses maux et aux vôtres. Videz cette coupe en priant Dieu de vous faire paix et miséricorde !
D’un courage admirable et sans aucune hésitation, elle prend le bol et boit son contenu d’une traite. Une de ses servantes cria sa souffrance de voir sa maîtresse qui se mourait. Les douleurs apparurent. Blanche dit à sa servante .
— Il ne faut pas me plaindre, mon enfant, car le jour de ma délivrance est enfin là. N’allez pas chercher un médecin, mais appelez un prêtre !
Elle s’allongea sur son lit. Le prêtre arriva et lui fit les derniers sacrements de l’Église. Le poison lui brûlait les entrailles. Dans un dernier soupir, elle dit.
— Pardon à tous !
Puis, elle expira presque immédiatement.
Ceci est une version de sa mort, écrite par Ayala, chroniqueur espagnol du roi. Elle n’est confirmée ni par Voltaire dans « Les œuvres complètes, tome 28 » ni par Prosper Mérimée dans « Histoire de don Pèdre, roi de Castille, page 348 » et ni, d’ailleurs par Michelet qui se sont savamment penchés sur cette mort douloureuse d’une jeune reine, mais particulièrement mystérieuse. Ils se posèrent tous beaucoup de questions.
– Pourquoi avoir attendu dix ans pour la faire disparaître ?
– Cet ordre, aurait-il été conseillé par sa maîtresse, Maria de Padilla ou son entourage ? Elle avait une forte influence sur le roi et était jalouse de la reine, Blanche.
– Politiquement, était-il nécessaire de la faire disparaître alors que la paix avec l’Aragon était signée et que son demi-frère, Henri, était en fuite en France ?
– Eh ! puis, comment une femme peut-elle rester emprisonnée, pendant huit ans, sans réagir ? Elle aurait pu fuir ou demander le divorce, pour mariage non consommé, et qui aurait été accordé par le pape.
– Et, pourquoi ne pas croire à une mort naturelle ? La peste noire dévastait l’Espagne à cette période.
– Après dix ans de captivité ne suffisent-ils pas pour expliquer la fin prématurée d’une jeune fille privée des siens et abreuvée d’humiliations ?
Beaucoup de questions et peu de réponses.
D’ordinaire, don Pèdre ne s’embarrassa pas de ses ennemis, hommes ou femmes. Il fit assassiner son cousin, Jean l’infant d’Aragon, qui lui venait souvent en aide, sa tante, Éléonore de Castille, reine consort d’Aragon qui le gênait dans son bonheur avec Maria Padilla, ses demi-frères dont don Fadrique, Grand Maitre de l’Ordre de Santiago et les deux plus jeunes, le dernier n’avait que 14 ans, ses belles-sœurs, pour se venger, et tous ses opposants, sans distinction de rang, de la société castillane. Il ne redoutait les colères ni du pape ni du roi de France; il en avait vu d’autres. Et puis, la France était loin de la Castille. La mort de Blanche de Bourbon l’arrangeait bien.
Don Pèdre paiera, très cher, ses cruautés. En 1369, son demi-frère, Henri Trastamare, pour se défendre de l’attaque furieuse de Pierre, lui trancha la gorge avec son coutelas. Henri fut couronné, roi de Castille et de Léon. Le pays retrouvait le calme et l’apaisement. La cruauté n’était plus de mise.
Sources : Histoire de Don Pèdre Ier: roi de Castille – Page 329 Prosper Mérimée · 1848
Les œuvres complètes de Voltaire, tome XXVIII 1819