Louis Ier, duc d’Orléans

Louis Ier, duc d’Orléans

     Louis Ier, duc d’Orléans, appelé Louis, le mal aimé, est brillant, adroit, de belle allure et pieux. Il est l’ami des arts et des lettres. Mais, il a une autre personnalité qui ébranle les princes de la maison France, les universitaires et le peuple de Paris. C’est un débauché. Il aime boire, jouer aux jeux d’argent, dépenser sans compter, s’adonner à la sorcellerie et coucher avec les femmes à l’excès. On lui prête même le désir de prendre la place de son frère Charles VI qui vit dans la démence. Il paiera très cher ses erreurs. Son éternel ennemi son cousin, Jean sans peur, le fera assassiner. Je vais vous raconter sa vie succinctement.

 

      Louis Ier d’Orléans est le fils de Charles V, le sage et de Jeanne de Bourbon. Il est né en 1372 à Paris. C’est un prince de la maison capétienne de Valois. Il est, aussi, le fondateur de la deuxième maison d’Orléans dont il reçoit le duché en apanage. Louis Ier est le père de Charles Ier d’Orléans, poète, le grand-père de Louis XII et l’arrière-grand-père de François Ier.

     

Comte et seigneur de plusieurs villes de France, il est membre du conseil de régence pour suppléer à la démence de son frère Charles VI, roi de France.

Pour étendre son influence sur le nord de l’Italie, il épouse Valentine Visconti, princesse milanaise. Il acquiert le duché de Luxembourg par l’intermédiaire d’un prêt pour empêcher la continuité territoriale de son oncle Philippe le hardi, de la Bourgogne aux Pays-Bas.

       En 1407, la France était encore peuplée et prospère. Mais le roi Charles VI était fou et inutile. Son oncle Philippe le hardi, duc de Bourgogne, dont la sagesse avait maintenu le royaume en paix, venait de mourir. Restaient, face à face, Louis, duc d’Orléans, qui, en tant que frère du roi, avait toutes les raisons de gouverner en son nom, et Jean sans peur, le nouveau duc de Bourgogne, qui entendait bien tenir dans le royaume la place qu’avait tenue son père. L’un, était populaire auprès des Parisiens réceptifs à ses discours réformateurs et au retour des coutumes, Jean sans peur, l’autre, Louis, le mal aimé, est tapageur, épicurien, amateur de sciences occultes (bal des ardents),

de fêtes décadentes avec des femmes (on pense qu’il fut l’amant de la reine Isabeau, sa belle-sœur), vaniteux, dépensier, car grand joueur (on le soupçonnait d’ailleurs de dilapider l’argent de Parisiens) et aussi brutal. Il semble avoir voulu rompre la trêve franco-anglaise jusqu’à provoquer Henri V d’Angleterre, en duel, ce qui déplut fortement à Jean sans peur dont le commerce de la laine, en Flandres, était florissant avec les Anglais. Louis parvient à consolider sa position en évinçant du conseil du roi, les partisans du duc de Bourgogne. C’en était de trop. Entre les deux jeunes princes, tout commence à s’enflammer, surtout après les soupçons de Jean sans peur que Louis Ier avait voulu violer sa femme, marguerite de Bavière, la duchesse de Bourgogne. Ce fut bientôt la haine.

Pourtant, Louis Ier reprend la tradition intellectuelle de son père. Il commence à acheter des livres. Son libraire dirige un véritable atelier de copie et a la garde de la bibliothèque de son père. Louis est le précurseur de la Renaissance par le renouveau des arts, de la littérature, des sciences, des échanges culturels et des bouleversements religieux. Ses fondations pieuses l’écartent des usages princiers. Il va, tous les jours, prier au couvent des Célestins et écoute la messe. Il est généreux envers les églises, les religieux. Il donne, de sa main, aux indigents. Il visite les pauvres à l’Hôtel Dieu. Sa dévotion politique passe tout entière par l’intermédiaire des Célestins.

Jean sans peur décide d’en finir avec son cousin. Il ordonne à l’un de ses hommes de main, Raoul d’Anquetonville de se charger de la besogne. Le 23 novembre 1407, alors qu’il quittait l’hôtel des Barbettes, où venait d’accoucher sa belle-sœur Isabeau de Bavière, pour rejoindre son frère Charles VI à l’hôtel de Saint-Pol, à la suite d’un faux message de Guillaume de Courteheuse, au service de Jean sans peur, Louis Ier d’Orléans parcourut la vieille rue du Temple, à dos d’âne et à la nuit tombée. Brusquement, il fut désarçonné puis jeté à terre. On lui trancha la main et lui fendit la tête avec un coup de hache par Guillaume de Courteheuse et une dizaine d’hommes embusqués.

Se débarrasser d’un ennemi détesté, en l’assassinant, n’était pas chose rare au XIVe siècle. Mais, il s’agissait, ici, du frère du roi. Jean sans peur fut soutenu par ses parents, ses conseillers, ses propres sujets et la majorité des Parisiens qui détestaient la victime. L’efficacité de la propagande bourguignonne, sur le duc meurtrier, loin de quémander un pardon, se glorifia de son acte. Le 8 mars 1408, au cours d’une séance solennelle à l’Hôtel royal en présence des oncles paternels Jean de Berry et Louis d’Anjou, Me Jean Petit, théologien, justifia longuement l’action de Jean sans peur en faisant de la victime un tyran1, qui pouvait donc être légitimement abattu. Devant un duc aussi déterminé, les princes qui entouraient le roi, redoutant le pire, optèrent pour l’apaisement. Jean sans peur triompha un moment. Mais le scandale de ce meurtre inouï et, pire encore, de cette justification, révolta bien des consciences, en particulier celle de Jean Charlier dit Jean de Gerson, théologien et homme politique français ainsi que les partisans de la victime, avec à leur tête son fils, Charles d’Orléans, le futur poète, ils réclamèrent justice. Sa femme, Valentine Visconti, duchesse d’Orléans, et ses enfants rencontrent le roi, dans ses moments de lucidités, et lui crient vengeance pour la mort de leur père. Le roi pleure sa mort, mais les larmes ne font pas la politique. Sa requête passe devant la Chambre des Comptes et le Parlement. Finalement, Valentine et les princes se jettent à genoux en pleurant et implorant justice. Le roi les relève, les embrasse, mais les renvoie. Elle garda ses enfants, mais dut remettre dans le domaine royal le comté de Dreux et quelques autres terres du prince. Ne pouvant l’obtenir, ils s’engagèrent dans la voie de fait.

   

La guerre entre les Armagnacs et les Bourguignons était inévitable. Elle entraîna l’invasion du royaume de France par les Anglais, et leur victoire à Azincourt en 1415. Vengeance tardive des vieux serviteurs du duc d’Orléans, le meurtre de Jean sans peur sur le pont de Montereau, en 1419, en présence du dauphin Charles (le futur Charles VII) et à son signal, aviva encore des haines qui ne s’apaisèrent qu’après quarante ans de guerres et de ruines accumulées. À la fin du XVe siècle encore, un historien bourguignon, fidèle serviteur de son duc, devait reconnaître que le meurtre du 23 novembre 1407 avait été un « excès » par lequel bien des maux étaient advenus au royaume de France et au pays bourguignon.

Sources: Charles VI par Françoise Autran et Bernard Guenée, de l’Institut, professeur émérite à la Sorbonne (Paris I) ; directeur d’études à l’École pratique des hautes études (IVe section). Source: Commémorations Collection 2007

1Ce mot « tyran » écrit par des historiens et clamé par l’avocat de Jean sans peur, Jean Petit, est inexact et abusif sur la personnalité de Louis. Il ne s’est jamais emparé du pouvoir par la force. Il n’était pas un dictateur cruel et impitoyable selon la définition de « tyran ».

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