Incendies des faubourgs d’Amiens en 1358
En l’an 1358, durant l’absence du roi de France, Jean II le bon, prisonnier des Anglais, Charles, le régent de France fait arrêter et emprisonner à Amiens les femmes de Jean de Piquigny1 et du vicomte de Poix parce que les maris étaient des proches de Charles II de Navarre, roi de Navarre, ennemi juré du royaume de France.
Courroucés par l’emprisonnement de leurs femmes, avec l’aide de leurs amis, tous d’Amiens, Guillaume de Gravelles, les chevaliers de Friquet, Lin de Bellaisy, de Frondigay et de Fricamps font entrer secrètement dans la ville 700 soldats déguisés. Tous furent cachés dans différentes maisons et quartiers d’Amiens. Ils organisèrent leurs réunions dans l’hôtel de l’abbé du Gard, une luxueuse hôtellerie où avait logé une nuit Philippe VI de Valois lors de sa fuite de la bataille de Crécy en 1346.
Dans la nuit du 16 septembre 1358, les soldats attaquèrent les bourgeois en service dans la milice de la ville. Aux hurlements de « Navarre, Navarre » toute la garnison se réveille. Les bourgeois aux cris de « trahis, trahis » se défendent ardemment. Un violent combat s’engage entre les Navarrais et les bourgeois.
Alertés par un messager, le connétable Moreau de Fienne2, Guy V de Châtillon-Saint-Pol3, lieutenant du roi pour la Picardie, le Vermandois et la Beauvaisie, qui logeaient à quelques lieues d’Amiens à Corbie pour mettre le siège devant Saint-Valéry-sur-Somme contre les Navarrais, arrivèrent avec des renforts de 400 lances. Ils entrèrent par une autre porte de la ville et engagèrent le combat. Vaincus les Navarrais en se retirant, aidés de complices sur place, mirent le feu à trois faubourgs de la ville, Saint-Jacques, Saint-Rémi et Saint-Michel où ils brûlèrent plus de 3 000 maisons. Le couvent des Augustins fut incendié et des moines furent tués ou blessés dans les combats.
L’attaque navarraise ratée, on cherche les coupables dans la ville. Sire de Frémin Cocquerel, en charge de l’assistance des échevins dans l’exercice de la justice à Amiens est arrêté et traduit en justice pour conspiration avec l’ennemi contre le royaume de France ainsi que d’autres seigneurs de la ville dont Jacques de Saint-Fuscien, capitaine de la ville. Il eut la tête tranchée avec le père abbé du Gard, Saint-Fuscien et dix-sept autres bourgeois conspirateurs sur la grande place du marché d’Amiens.
La capitale de la Picardie fut ainsi préservée de cette attaque-surprise et protégée depuis par le royaume de France par une forte garnison d’hommes en armes.
Sources : Manuscrits de Pagés, marchand d’Amiens écrits à la fin du 17e siècle – 1858
1Gouverneur d’Artois pour Philippe VI de Valois, il défend la traversée de la Somme par les Anglais à Blanquetaque. Il rejoint les rangs de Charles II de Navarre, ennemi du roi de France. Il participe à l’incendie d’Amiens en 1358.
2( 1308-1385) Il fut le 28e connétable de France et s’illustra au cours de la Guerre de Cent Ans. Il seconda le dauphin (le futur Charles V) dans ses efforts contre les partisans de Charles le Mauvais, roi de Navarre, lors de la Bataille d’Amiens et reprit Saint-Valéry-sur-Somme en 1358
3(1320-1360) En 1358, il participe à la répression des Jacques qui a lieu dans les campagnes d’Île-de-France, Champagne, Artois, Picardie et Normandie et à la Bataille d’Amiens qui oppose les partisans de Charles le Mauvais, roi de Navarre aux partisans du dauphin Charles. Après avoir vaincu les Navarrais, il participa au siège de Saint-Valéry-sur-Somme en 1358 avec Moreau de Fienne. Après huit mois de siège, ils récupèrent la place tenue par les Navarrais.