LA BATAILLE DE BULGNEVILLE LE 02 JUILLET 1431

LA BATAILLE DE BULGNEVILLE LE 02 JUILLET 1431

      Aujourd’hui, une bataille méconnue de la guerre de Cent Ans : la bataille de Bulgnéville, commune des Vosges en Lorraine. Elle n’impliqua pas les Français et les Anglais directement. Elle resta néanmoins une bataille entre Charles VII et Henri VI d’Angleterre. Eh, oui, encore une guerre de succession. Cette fois-ci, nous sommes en Lorraine.

 

     Charles II de Lorraine mourut en 1431 sans laisser d’héritier mâle. Son neveu, Antoine de Vaudemont, fils de Ferry Ier de Lorraine, frère de Charles II, prétendit au trône du duché de Lorraine. Mais, Charles II avait une fille Isabelle, duchesse de Lorraine, qui se maria avec René d’Anjou, duc de Bar, en 1420. Cela déplut à Antoine qui revendiqua le trône. En 1425, Charles II se brouilla avec son neveu, le déshérita et attaqua ses domaines. En 1431, comme établi par Charles II, René devint le nouveau duc de Lorraine. Il décida de parcourir tous les États de son duché pour se faire connaître. Profitant de son absence, Antoine de Vaudemont, arborant les armes de la Lorraine, réclama qu’on lui rende hommage comme le vrai duc et seigneur naturel.

 

Les proches d’Isabelle lui répondirent ainsi.

Votre oncle a laissé les filles qui, selon le droit de coutume, sont héritières principalement l’aînée : vous n’avez rien à voir dans cette succession.

Puisqu’il en est ainsi, répondit-il, je jure sur mon âme que je serai bientôt duc.

La guerre est déclarée. Il partit, aussitôt, à la cour de Bourgogne rencontrer Philippe le bon.

 

Le duc lui donna toutes les troupes dont il avait besoin, commandées par le maréchal de Toulongeon1. Il reçut aussi des renforts de son cousin, le comte de Saint-Pol, Pierre Ier du Luxembourg2 . René d’Anjou, informé de l’imminence d’un conflit avec Antoine de Vaudemont, qui ne lui rendit pas ses devoirs féodaux, le somma de lui prêter hommage lige sous peine de confiscation de ses biens. Antoine refusa. René leva le ban et l’arrière-ban de la noblesse lorraine. Une forte armée fut levée et une campagne contre lui s’organisa. Il reçut l’appui de son cousin, Charles VII, roi de France. Il lui prêta des troupes commandées par le capitaine Arnault Guilhem de Barbazan.

 

René d’Anjou rentra en Lorraine et assiégea la place forte de Vaudemont, sans résultat. Antoine, de son côté, aidé par les troupes du comte de Saint-Pol, du duc de Savoie et du prince d’Orange, ravagea le Barrois et brûla tous les villages sur sa route. Les deux armées convergèrent l’une vers l’autre. La querelle allait, donc, se vider en une journée, le 2 juillet 1431.

     Examinons les forces en présence : Antoine de Vaudemont était entouré du maréchal de Toulongeon avec ses quatorze cents archers picards et une quantité de chevaliers et seigneurs presque tous bourguignons. Des capitaines anglais, gouverneurs de places champenoises pour le compte du roi d’Angleterre, John Adam et Thomas Gagaren l’accompagnèrent. René d’Anjou était escorté de deux cents lances et un corps d’archers de Barbazan3, de Jean d’Haussonville, du maréchal de Lorraine et de Louis de Bavière. Le reste de son armée était composé de communes, de jeunes seigneurs inexpérimentés, de barons allemands du marquis de Bade et deux ou trois compagnies errantes. La force totale des deux armées était impossible à calculer. Celle de René avoisinait entre six et trente-huit mille hommes. Celle d’Antoine, elle approchait les quatre à quinze mille gens d’armes.

Le 30 juin, René d’Anjou et Antoine de Vaudemont placèrent leurs lignes de combat pendant une journée entière dans les environs de Bulgnéville. Voyant que les Lorrains n’avançaient pas, Antoine décida de se retirer dans le village et tint conseil. Ses officiers dirent.

Seigneur, on ne peut pas marcher sur l’ennemi, car le terrain ne permet pas d’avancer normalement à cause des haies et des sentiers. De plus, nous ne sommes pas assez nombreux pour livrer une bataille rangée. Dévastons le Barrois et rentrons en Bourgogne, car il va nous manquer des vivres.

Je ne suis pas de votre avis, dit Antoine, nous devons combattre

     Mais la décision fut prise pour un retour en Bourgogne. Étrangement, le maréchal partit avec son corps et, au lieu de prendre le chemin de la Bourgogne, prit position dans la plaine de Bulgnéville. Il renforça son retranchement par des palissades et des fossés, rangea son armée en bataille, les archers, en avant, et attendit de nouveau son adversaire comme à Poitiers. Les bourguignons voulaient rester à cheval, mais les Picards et les Anglais s’y opposèrent. On ordonna de suivre ces derniers sous peine de mort. On plaça tous les chariots pour faire un mur. René, croyant à une fuite de son adversaire, envoya son avant-garde avec Barbazan. Voyant le dispositif de leur ennemi, il jugea qu’il ne fallait pas donner l’assaut immédiatement. Il préférait attendre qu’il soit affamé comme du Guesclin le préconisa à Henri II de Castille à la bataille de Najéra. Le jeune duc, qui avait vingt-deux ans à ce moment-là, bouillonnait du désir d’en découdre. Il adouba Chevalier beaucoup de ses seigneurs afin de les motiver. De son côté, Antoine encourageait les siens en leur disant que le repas copieux et les bons vins les attendaient après la bataille. Il était onze heures. Le soleil chauffait les armures et la chaleur devenait accablante. René ordonna pourtant l’assaut. Barbazan lança ses cavaliers qui ne purent pas franchir les obstacles. Les gens de trait réussirent à enlever un chariot. Au moment, où ils avançaient les canons et les couleuvrines bourguignonnes déchargèrent leurs boulets meurtriers. Les assaillants furent renversés et le désordre fut de mise. À leur tour, ils sortirent et les archers tirèrent sans s’arrêter. Barbazan fut mortellement blessé. Les seigneurs fuirent sauf le jeune duc de Lorraine, blessé à trois reprises, dont l’une, au visage qu’il gardera toute sa vie. Il se battait férocement à coup d’estoc à gauche et à droite. Après plusieurs heures de combat, affaibli et entouré de toute part, il décida de se rendre. Les quelques chevaliers, qui l’entouraient, se constituèrent prisonniers. La bataille fut terminée par la défaite de l’armée de René d’Anjou. Le maréchal de Bourgogne emmena le jeune duc et les plus notables, une centaine environ, comme l’évêque de Metz

malgré la désapprobation d’Antoine qui voulait se venger. Deux mille soldats de René périrent soit dans les combats ou dans la déroute. La disparition du vieux Barbazan, il avait alors soixante-dix ans, affecta fortement Charles VII, car il fut l’homme de toutes ses victoires.

    Cette courte et singulière bataille du 2 juillet 1431 fut appelée «  la piteuse et douloureuse journée de Bulgnéville ». Malgré cette défaite, le jeune duc René d’Anjou conserva le duché de Lorraine.

Source : Le roi René: sa vie, son administration, ses travaux … – Volume 1 – Albert Lecoy de La Marche · 1875

1(1385 – 1432), il occupe les fonctions de chambellan et maréchal de Bourgogne, gouverneur général des pays de Bourgogne et de Charolais. Il est aussi ambassadeur en Angleterre et en France. Il est l’un des premiers chevaliers de l’Ordre de la Toison d’or et l’un des grands capitaines de la guerre de Cent Ans.

2(1390 – 1433) fût Comte de Brienne, de Conversano et de Saint-Pol. Il était fils de Jean, comte de Saint-Pol, seigneur de Beauvoir, et de Marguerite d’Enghien, comtesse de Brienne et de Conversano, et petit-fils de Guy de Luxembourg.

3(1360 – mort en 1431 à Bulgnéville) est conseiller et premier chambellan du Dauphin Charles, capitaine français durant la guerre de Cent Ans et compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, issu d’une famille distinguée du pays de Bigorre.

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