LA BATAILLE DE COCHEREL
Cocherel : première victoire française de la Guerre de Cent Ans depuis la cinglante défaite navale de l’Écluse en 1340 et les désastres de Crécy en 1346 puis celui de Poitiers en 1356. Cette bataille est commandée par Bertrand Du Guesclin, lui-même. Toutes celles où il a été fait prisonnier, il n’était que capitaine d’un groupe armé comme la bataille d’Auray en 1364 et Najéra en 1367.
Pendant que le régent repart sur Paris pour enterrer son père, Jean II le Bon, un danger arrive par la Normandie. Jean de Grailly, Captal de Buch, un des principaux seigneurs d’Aquitaine débarque à Cherbourg en mai 1364 pour empêcher le sacre du roi de France. Il agit pour le compte de Charles le Mauvais. Il rassemble une armée. Elle est composée de navarrais, de mercenaires anglais, de normands navarrais, de gascons et de bretons montfortistes. Ils ont été enrôlés à Cherbourg, dans les ports anglais ou dans les fiefs normands.
Du Guesclin, mis au courant va à Rouen et enrôle un maximum d’hommes pour contrer le navarrais. C’est un adversaire robuste et non négligeable. Il a combattu à Poitiers au côté du Prince Noir. Il fait la guerre par vocation et instinct. Le 14 mai, cette armée est rassemblée entre Pacy sur Eure, Évreux et Vernon.
Bertrand quitte Rouen le 11 mai avec 1500 hommes. Il traverse la Seine à Pont de l’Arche. Elle est composée de bretons parmi ses plus fidèles, des normands, des Bourguignons, des picards et des gascons d’Albret: Tous fidèles au royaume de France.
Aucune de ses deux armées n’a une base nationale. On se bat ici pour un seigneur, une cause ou de l’argent.
Les préparatifs du Captal de Buch
Le 16 mai 1364, Jean de Grailly apprend que Du Guesclin a traversé la Seine et se dirige sur lui. Ayant retenu la leçon du prince noir à Poitiers, il cherche un point haut pour installer son campement. Il trouve son emplacement sur une colline à six kms de Pacy/Eure au lieu-dit Cocherel, à l’endroit où un pont lui permettra de rejoindre Vernon ou Évreux en cas de repli. Il adosse son armée à un bois qui englobe toute le sommet de la colline afin de ne pas être pris à revers. Il fait mettre son armée pied à terre. Les chevaux et les chariots sont disposés dans le bois. Il la partage en 3 corps d’environ 500 hommes chacun. Avec lui, il y a : Jacques Froissart, secrétaire du roi de Navarre, Baudouin de Baulloz, Pierre d’Aigremont et bien d’autres.
1° bataille, à droite est commandée par Jean Jouel avec ses archers anglais.
2° bataille, au centre, commandée par le Captal de Buch avec ses gascons et normands.
3° bataille, à gauche,est commandée par Le Bascon de Mareuil avec ses navarrais et gascons.
Le dispositif français
L’armée se place en face des anglo-navarrais.
Au centre, 1° bataille commandée par Bertrand et ses bretons. Il est entouré de : Olivier Du Guesclin, son frère, des frères de Mauny.
A sa gauche, la 2° bataille commandée par Jean III de Chalon-Arlay, comte d’Auxerre avec des normands et des picards.
A sa droite, 3° bataille commandée par Baudouin de Lens, sire d’Annequin, gouverneur de Lille avec des bourguignons. Il est entouré de : Jean et Hugues de Vienne, le gascon d’Albret et Arnaud de Cervole.
L’arrière-garde est constituée de gascons pour prendre à revers Le Captal de Buch. Elle est commandée par Eustache et Alain de la Houssay.
Mais qui commandera cette bataille ?
Logiquement, le plus grand seigneur présent doit être le commandant: le comte d’Auxerre, Jean III de Chalon-Arlay. Mais, c’est sa première bataille. Il refuse de prendre le commandement malgré l’insistance des chefs présents. Il s’exprime ainsi :
« – Seigneurs, grands mercis de l’honneur que vous me portez. Mais je suis trop jeune pour endosser une telle responsabilité. Il y a là de bons chevaliers comme monsieur Bertrand ou monseigneur l’Archiprêtre. »
Tous se concertent puis délibèrent. Ce sera Bertrand Du Guesclin qui commandera cette bataille. Les dés en sont jetés. Il court vers la notoriété. Le cri de guerre sera : « Notre Dame, Guesclin ! »
Comme à son habitude, Bertrand prépare ses hommes :
« – N’ayez pas un cœur d’agneau. S’il y a nul couard qui doute de sa lance, je lui donne congé de retourner chez lui. Par contre, s’il y en a, jeune ou vieux, qui se mette à fuir par Dieu qui fit Abel, je le ferai pendre par le cou. »
Du Guesclin n’aime pas les fuyards. Il prend son rôle très au sérieux. C’est un militaire dans l’âme. Il commande naturellement ses hommes et les seigneurs avec lui. Il les pousse même à se confesser avant la bataille. Tous s’exécutent.
La bataille
Cocherel
Commence alors un face à face étonnant entre les 2 armées. Personne ne bouge. Chacun attend une erreur de l’autre. Le Captal de Buch ne veut pas descendre de sa colline car il perdrait l’avantage du terrain. Bertrand Du Guesclin, lui, ne tient pas à gravir la pente car ils épuiseraient les hommes et les chevaux avant le combat. Chacun campe sur ses positions. Nous sommes fin mai, malgré une chaleur intense sous les armures chauffées par le soleil, on reste sur la défensive. Chacun se désaltère comme il peut. Les anglais boivent du vin et les français de l’eau que leur rapportent les femmes qui suivent avec le convoi de chariots.
Mais un évènement va faire basculer le bataille. Le captal de Buch attend 300 lances commandées par Louis de Navarre, frère de Charles le Mauvais. Du Guesclin s’inquiète mais pas plus.
Combien de temps va encore durer ce face à face ? Bertrand réunit ses seigneurs. Il leur explique la tactique qu’il envisage de mettre à exécution :
« – Seigneurs, nos ennemis ne descendront pas de leur colline. Eh bien ! nous ferons semblant de fuir, de refuser le combat. S’ils désirent nous combattre, ils en descendront et viendront nous chercher. Et là, nous nous retournerons et nous les combattrons.
Les ordres sont donnés et les français commencent à se retirer.
Un capitaine anglais aperçoit les français quittant le champ de bataille. Il rend compte au Captal de Buch :
« – Sire, les français s’en vont. Ils n’osent se battre.
– Ce n’est pas dans l’habitude de Bertrand de fuir. Je le connais très bien. Je sais qu’il n’est pas couard. Ne croyez plus jamais si Bertrand l’enragé qui fuit, il se retournera quand nous serons rapprochés.
Certains capitaines ne l’entendent de cette oreille. Ils veulent en découdre avec le français. Le plus impatient est Jean Jouel : – Sire, Sire, descendons et vite. Ne voyez vous pas comment les français s’enfuient.
– Messire Jean, messire Jean, ne croyez pas que des gens aussi vaillants s’enfuient ainsi; ils ne le font que par ruse et pour nous attirer.
– Saint Georges ! Qui m’aime me suive, je vais combattre. »
Il dévale la colline suivi de sa bataille. Le Captal ne peut le laisser seul et toute l’armée descend la pente.
Du Guesclin n’attendait que cela. Il dit à son écuyer :
« – Maintenant, Thibaud, tendons nos filets, voilà les oiseaux qui arrivent tout droit sur nous. Sonnez trompettes ! Retournons-nous, Notre Dame, Du Guesclin ! »
C’est le contact. Un vacarme de ferraille. Même les valets français avec leur hache fendent les rangs des anglais. Les femmes leur jettent des pierres. La mêlée est féroce. Comme les anglais attaquent, ils ne peuvent pas utiliser leurs archers efficacement. Le combat reste pendant longtemps indécis.
Mais Bertrand a plus d’une carte dans son jeu. La réserve française de 200 hommes commandée par Eustache de la Houssay surgit derrière les rangs anglais après avoir contourner les vignes. Ils sèment la panique.
Les anglo-navarrais sont en déroute. Ils fuient vers Pacy sur Eure. Un cercle restreint autour du Captal de Buch continue à se battre. A la fin, il est obligé de se rendre. La bataille est finie.
Le bilan, alors !!
Côté anglais :
Les morts :7 à 800 morts dont le Bascon de Mareuil, Jean Jouel qui mourra quelques heures plus tard après la bataille.
Un nombres considérable de prisonniers dont Jacques Froissart, secrétaire du roi de Navarre, Baudouin de Baulloz, Pierre d’Aigremont, Jean Gansel, Lopez de St Julien, Robert Chesnel.
Côté français :
Les morts : 30 ou 40 morts dont Baudouin d’Annequin, le vicomte de Beaumont, Jean de Béthencourt, le seigneur de Villequier.