La chevauchée de Buckingham en 1380
Le contexte
En France, il ne restait plus aux Anglais que les ports de Calais, Bordeaux, Bayonne, Cherbourg et Brest. Jean IV de Bretagne, exilé en Angleterre, rentra en Bretagne en 1379, soutenu par le peuple breton contre le roi de France, Charles V. Le jeune roi d’Angleterre, Richard II, et le Conseil autorisèrent la levée d’une armée pour venir aider le duc de Bretagne. Les Bretons étaient partagés depuis que le duc avait signé un traité d’alliance avec les Anglais en leur promettant des places fortes supplémentaires. Olivier V de Clisson, nouveau connétable de France, s’y refusa. Les Bretons, pour le connétable, prêtèrent allégeance au roi de France, dont la maladie empirait de jour en jour. Thomas de Woodstock, douzième enfant et quatrième fils d’Édouard III et Philippa de Hainaut, comte de Buckingham et duc de Gloucester, prit la tête de cette armée et débarqua à Calais le 19 juillet 1380.
Les forces en présence
Amies : le royaume de France avec 3 600 hommes
Ennemies : le royaume d’Angleterre avec 2 000 hommes et 2 000 archers
Les pertes : inconnues
La chevauchée
Thomas de Woodstock est nommé lieutenant spécial du roi d’Angleterre et capitaine général de l’expédition. Il est accompagné de brillants capitaines comme Hugues Calveley, Robert Knolles, Thomas de Percy, du connétable d’Angleterre Guillaume Latimer, et le maréchal Gautier Fitz-Walter. Trois jours après son débarquement, les Anglais se mettent en mouvement à partir de Marquise. Après trois jours de repos, ils descendent vers Boulogne. Voyant que l’ennemi ne s’arrête pas pour assiéger les villes comme Boulogne, Ardres ou d’Audrehem, les seigneurs de Sempy et de Fransures lèvent une compagnie de deux cents lances et se mettent à harceler les arrières de l’armée anglaise. Mais, cette route qui rejoint la Bretagne par la Normandie, en longeant les côtes, ne convient pas à Thomas Woodstock, comte de Buckingham. Il oblique vers l’est, traverse l’Artois et la Picardie, et pénètre en Champagne sans combattre de peur de perdre des hommes. Charles V, comme aux précédentes chevauchées des Anglais, avait donné ses ordres.
— Je ne veux pas de combats en bataille rangée. Je ne veux que des harcèlements des arrière-gardes et des fourrageurs. Faites évacuer des paysans avec leurs vivres et bétail des villages non protégés vers les places fortes.
C’est ce que l’on appelait injustement « la poursuite des Anglais ». Le duc de Bourgogne, Philippe le hardi, est nommé capitaine général pour cette mission. Les Anglais traversent Laon, Saint-Quentin et Hermonville près de Reims. Buckingham demande des vivres, de la viande, du pain et du vin pour son armée que les Rémois refusent de fournir. Le comte incendie tout le plat pays. Fin août, il passe l’Aube et traverse la Seine au nord de Troyes, puis l’Yonne. À Troyes, Buckingham provoque le duc de Bourgogne pour une bataille qu’il est contraint de refuser suivant les ordres du roi de France. Les Anglais suivent le chemin vers l’ouest par Nemours et Pithiviers. Après avoir franchi le Loir, il s’arrête à Pontvallain, dont Robert Knolles a les mauvais souvenirs de la déconfiture de son armée par Bertrand du Guesclin. De son côté, le duc de Bourgogne suit de très près les Anglais sans les combattre. Le 1er septembre, il est à Corbeil avec Enguerrand de Coucy et Bureau de la Rivière ; quelques jours plus tard, il loge à Sours, près de Chartres, localité obscure du traité de Brétigny de 1360. Maintenant, les Français sont décidés à interdire la traversée de la Sarthe aux Anglais. Le duc d’Anjou est à Angers et le duc de Bourgogne loge au Mans. On se rapproche de plus en plus d’une bataille quand le 14 septembre, le duc de Bourgogne apprend une très mauvaise nouvelle de Paris. Son frère, le roi de France, se meurt. Le 16 septembre 1380, il succombe dans son manoir de la Beauté après une crise douloureuse de goutte, à l’âge de 42 ans.
La poursuite des Anglais est ralentie, voire interrompue. Le duc doit rejoindre Paris pour la veillée funèbre de son frère. Une grosse partie de l’armée est licenciée. Le reste, un minimum, est mis sous le commandement du connétable Olivier de Clisson avec le chevalier Jean III de Bueil et l’écuyer Pierre de la Rocherousse. Arrivé au terme de sa chevauchée Thomas Woodstock met le siège devant Nantes, défendue par une forte garnison française qui a juré fidélité au roi de France. À la mort de Charles V, le traité d’alliance signé par Jean IV avec les Anglais n’a plus lieu d’être, car le nouveau roi de France, Charles VI, lui rend ses biens et son autorité sur le duché de Bretagne. Le 15 janvier 1381, il signe un traité de paix, ratifié le 4 avril de la même année, avec la France. Le siège de Nantes dura longtemps, sans résultat, pour les Anglais. Après avoir payé une forte somme d’argent par Jean IV, les Anglais repartent en Angleterre.
Les conséquences
Le bilan de Thomas Woodstock fut maigre. Il repassa la Manche en piteux arroi, avec la perte de tous ses chevaux et un nombre incalculable de malades dans son armée. Tout le long de son retour à Cherbourg, il fut conspué par la population bretonne et normande. Le moine de Saint-Alban, qui s’en faisait écho, disait qu’il n’y avait pas d’expressions assez fortes pour maudire les folles équipées qui détournaient les Anglais de la défense de leur propre pays, les entraînaient en de lointaines entreprises, « comme si leur propre sol devait les dévorer ».