LA PRAGUERIE DE 1440

LA PRAGUERIE DE 1440

La Praguerie de mi-février à mi-juillet 1440

D’abord, avant d’entamer le récit qui suit, je dois vous expliquer ce qu’est une Praguerie. La Praguerie des princes en 1440 s’apparente aux guerres civiles de la Bohème-hussite à Prague. Le réformateur chrétien Jean Hus  qui prêchait pour un retour à l’Église apostolique, déclaré hérétique par le concile de Constance, fut brûlé sur le bûcher en 1415. Le peuple se révolta. La Praguerie ou la défenestration de Prague commença en 1419. L’élément déclencheur de cette révolte fut le jet d’un caillou depuis l’hôtel de ville sur le peuple, en colère. Celui-ci prit d’assaut le bâtiment et défenestra sept échevins catholiques sur des lances pointées vers le haut.

Les gens s’en prirent alors aux églises et aux monastères fidèles à l’Église catholique. Il s’ensuivit des croisades contre les hussites par les féodaux et l’église catholique entre 1420 et 1434.

Revenons à notre Praguerie de 1440. Lors des États généraux de 1439 à Orléans, des rivalités naissent. D’abord pour la poursuite de la guerre : les uns veulent continuer la guerre contre les Anglais et les autres défendent la paix. Les pacifistes l’emportent. Puis, pour la création d’une armée nationale qui est ressentie comme vitale contre les désordres et les pillages du royaume, il est prévu de lever un impôt permanent centralisé qui limitera le pouvoir des seigneurs et des princes. Il financera une armée permanente, donc de métier, au service du royaume. Les États généraux accordent la confiance au roi et votent l’ordonnance du 2 novembre 1439 qui valident ces deux dispositions, la pacification et l’armée nationale. Elle met le feu aux poudres. Les princes et les seigneurs décident de se rebeller contre le roi, mais, surtout, contre son entourage.

Les déclencheurs de la révolte ne sont autres que des seigneurs de haute noblesse et de princes de sang royal dont l’instigateur, le duc de Bourbon, Charles Ier, un fidèle et beau-frère de Charles VII et Jean II d’Alençon, un Valois, neveu du roi. Ambitieux et mécontents, ils refusent d’être écartés du pouvoir et au premier rang, et de voir Charles IV d’Anjou, favori de son beau-frère, le roi de France, et le comte de Richemont, connétable de France.

Emprunts de jalousie, ils veulent mettre Charles VII sous tutelle, donner la régence à son fils, le dauphin Louis, encore adolescent, et s’emparer du gouvernement. Ils demandent son renvoi au roi qui le refuse. Ils trouvent, alors, des alliés contre la réforme militaire. Louis Ier de Bourbon-Vendôme, comte de Vendôme, le maréchal de La Fayette, Georges Ier de la Trémoille, grand chambellan de France, le sire de Chaumont, Jean de Dunois, le bâtard d’Orléans.

Février 1440, la révolte éclate. Les conspirateurs trouvent un complice de taille avec le dauphin Louis, ce fils de dix-sept ans, impétueux et avide de pouvoir. Charles eut vent de cette intrigue contre lui sur la route qu’il l’emmène d’Angers à Bourges; il décide de s’arrêter à Amboise pour ne pas tomber dans leurs mains à Blois. Il fait appel à son connétable, le comte de Richemont, qui se dirigeait vers Paris. Celui-ci avec son armée fait demi-tour et rejoint le roi au plus vite. De leur côté, le duc de Bourbon chasse le comte de la Marche du conseil du dauphin, de la Trémoille et ses amis s’insurgent dans le Poitou et le sire de Chaumont refuse l’entrée du roi dans la forteresse de Loches. Dans son rôle, le connétable doit défendre les intérêts du roi et s’opposer aux princes de sang. Il sera décisif, heureusement, pour Charles VII. Entouré de ses fidèles seconds comme

le maréchal de Lohéac, l’amiral de Coëtivy et Pierre de Brézé, de Richemont marche sur Loches. Il met en déroute, dans les environs proches de la ville, les mercenaires à la solde du duc de Bourbon. Le lendemain, le roi entre dans la forteresse, mais le duc s’est enfui le matin même pour l’Auvergne. Les insurgés avec le duc d’Alençon, de leur côté, prennent Melle et Saint-Maixent près de Niort. Le roi et son connétable accourent. Ils entrent dans Saint-Maixent qu’ils prennent et repoussent les assiégés dans le château de la ville. Après huit jours de siège, ils se rendent. Les routiers sont décapités. Les gens du duc, qui avaient bien servi le roi par le passé, sont épargnés. Le duc d’Alençon et le dauphin Louis se sont enfuis la veille pour rejoindre, eux aussi, l’Auvergne. Maintenant, le vent tourne en faveur du roi. Le duc de Bourgogne, refusant de fournir de l’aide aux insurgés, oblige le bâtard d’Orléans à demander pardon au roi de France. Dans leur fuite, les rebelles sont poursuivis par les troupes royales jusqu’en Auvergne. Les villages de Chambon, Ebreuil et de Charroux se rendent. Toutes les places de la Limagne en font autant. Le Bourbonnais et le Forez sont soumis entre avril et juillet 1440.

Le 17 juillet, à Cusset, proche de Vichy, le roi écrit aux bonnes villes pour leur expliquer que tout est rentré dans l’ordre. Le dauphin et le duc de Bourbon se sont rendus en toute humilité et obéissance. Le roi exigea le renvoi de leurs troupes et leur engagement dans l’armée nationale. Tous les chefs mercenaires furent punis par la confiscation de leurs biens dont le plus terrible et le plus dangereux Jacques de Pailly dit Forte-Espice.

Cette Praguerie avortée profita à Richemont, connétable de France, et au roi. Ce dernier constitua immédiatement une Cour de justice, en Auvergne, qui jugea tous les participants à la révolte contre l’ordonnance du 2 novembre 1439, corroborée par la convention de Cusset. La plupart furent emprisonnés. Jacques de Chabannes, un proche du duc de Bourbon perdit sa charge de sénéchal de Toulouse. Le roi refusa le retour en grâce de la Trémoille et fit noyer Alexandre de Bourbon, bâtard Jean Ier de Bourbon. Les villes insurgées d’Auvergne durent donner six cents écus d’or à chaque second du connétable. Charles VII pardonna à son fils qui reprit sa place à la cour après un exil dans le Dauphiné.

Cette levée de boucliers ne dura que six mois. Il n’y eut point de bataille à livrer, car la révolte n’avait aucune racine dans le peuple et le pays. La ligue mourut de sa propre faiblesse.

Source : page 303, le connétable de Richemont « (Arthur de Bretagne) » 1393-1458 Eugène Cosneau · 1886

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