LA BATAILLE DE LA BROSSINIERE LE 26 SEPTEMBRE 1423

LA BATAILLE DE LA BROSSINIERE LE 26 SEPTEMBRE 1423

Aujourd’hui, une bataille méconnue de la guerre de Cent Ans pourtant, elle a eu cet avantage d’avoir été la première victoire un an après le sacre de Charles VII, roi de France, à Bourges.

Le dur règne de Charles VI, le fol, reste dans toutes les mémoires des patriotes français. Sa mort, bien malheureuse, en 1422, leur redonne du baume aux cœurs avec l’avènement de son fils Charles, sacré roi de France le 30 octobre 1422 sous le nom de Charles VII.

Dès le début de son règne, en novembre 1422, les seigneurs du Maine se révoltent contre l’occupant anglais. Ambroise Ier de Loré, aidé de Jean du Bellay et de quelques autres, décident de reprendre la place de Fresnay-sur-Sarthe, en vain. Une bataille s’ensuivit avec la défaite des Français du Maine. C’est la seule bataille de cette année 1422. L’hiver pointe aux portes du comté. On suspend les hostilités. Au printemps 1423, les chevauchées recommencent. Ambroise Ier de Loré veut venger sa défaite de novembre.

Vers fin de l’été 1423, lord William de la Pole, duc de Suffolk, un des grands capitaines anglais de la guerre de Cent Ans, prépare une expédition depuis la Normandie vers le Maine. Avec deux mille hommes et cinq ou six cents archers , il le traverse en pillant tout sur son passage, et ce, jusqu’à Segré.

La belle-mère de Charles VII, la reine Yolande d’Aragon, qui est à Angers, prend peur et se renseigne sur l’avancée des Anglais auprès de Ambroise Ier de Loré qui est en pointe du Maine dans sa forteresse de Sainte-Suzanne en Mayenne.

Il lui rapporte qu’ils se préparent à retourner en Normandie avec un énorme butin pris lors de leurs pillages, notamment douze cents bœufs et vaches des prés d’Anjou.

Ambroise informe Jean VIII d’Harcourt, comte d’Aumale, gouverneur pour le roi du Maine, de l’Anjou et de la Touraine. Le comte envoie des éclaireurs dans toutes les directions. Hâtivement, il quitte Tours et rejoint Laval pour tenir une réunion avec la noblesse angevine et du Maine. Ils sont rejoints par les plus intrépides capitaines manceaux et normands dont Ambroise de Loré, Pierre d’Alençon, seigneur d’Aunou, ce brillant bâtard, fils de Pierre II d’Alençon. En effet, suite à la mort de son père à la bataille d’Azincourt, il s’est juré de ne faire aucun quartier aux Anglais pour le venger. Un des éclaireurs du comte d’Aumale lui rapporte qu’ils sont partis de Segré (le Maine-et-Loire) et remontent vers la Normandie en longeant les frontières avec la Bretagne. Le 25 septembre, il lève une armée et décide de se placer entre eux et la Normandie à Bourgneuf-la-Forêt. Il est rejoint par les milices, fortement armées, des communes avoisinantes. Les éclaireurs surveillent l’avancée des Anglais sur leurs ailes. Le 25, au soir, les Anglais approchent. Ils ont traversé l’Oudon et sont entrés à la Gravelle, à l’ouest de Laval, à trois lieux de Bourgneuf-la-Forêt, et campent dans un lieu qui s’appelle les Landes de la Brossinière.

Le comte d’Aumale tient, aussitôt, un conseil de guerre avec ses seigneurs et ses capitaines. Après quelques tergiversations, le plan de bataille est arrêté ; l’armée du comte sera en embuscade et attendra l’ennemi ; de Loré, à cheval, avec cent cinquante lances iront au-devant de l’ennemi, le combattront par escarmouches et l’amèneront vers l’armée du comte, mais surtout ne le batailleront pas. Chacun part se reposer, car, demain, la journée sera longue et dure.

Le lendemain matin, le 26 septembre, le comte d’Aumale place, en embuscade, ses troupes dans les vallées peu profondes, non visibles des Anglais qui remontent vers le nord, en Normandie. Il ordonne à son armée, de mettre pied à terre. Les hommes attendent là, plusieurs heures, le signal d’Ambroise. Un brouillard automnal les protège. Pendant ce temps, de Loré et son capitaine le baron de Coulonges tombent sur l’avant-garde anglaise. Ils les pressent et les harcèlent. Par chance, le brouillard empêche les Anglais de voir les Français embusqués, devant eux.

William de la Pole soupçonne une embuscade. Il place son armée en bataille, met ses hommes pied à terre et avance lentement. Sur sa droite, il positionne ses archers, au centre, les écuyers tiennent les chevaux, puis suivent les prisonniers et les otages et en arrière, le convoi de bœufs et de charrettes empli du butin de Segré avance péniblement. Ils marchent en plantant des épieux devant eux pour se protéger d’une éventuelle attaque. Les pics sont récupérés à l’arrière par les serviteurs et ainsi de suite. Ainsi est formée une herse mobile, vivante et mouvante. Cette tactique est impressionnante, mais lourde à gérer. Le convoi s’étale sur cinq kilomètres. De plus, l’escarmouche de Ambroise a apeuré le troupeau qui perturbe l’avancée des Anglais.

Le brouillard s’atténue. Les Anglais s’aperçoivent qu’ils sont à une distance d’un trait d’arc des Français. À leur avantage, une rangée d’épieux est fichée en terre. Les cavaliers de Ambroise de Loré se heurtent à cette défense mobile. Les chevaux se cabrent et projettent leurs cavaliers à terre. De Loré réagit rapidement ; il remet ses cavaliers en selle. Au lieu d’attaquer de front, il décide de contourner la bataille par les ailes et d’entrer par leur point le plus faible. La faille de cette formation est trouvée. Il s’infiltre à l’intérieur du convoi et sème le désordre dans les rangs anglais.

Le comte d’Aumale en profite pour attaquer, à pied, la ligne de front. Un corps à corps s’ensuit, sanglant et sans pitié. Maillets, hérissés de pointes en fer, français et haches anglaises s’entrechoquent. On frappe sur les bassinets et les armures. Les milices des communes entrent en action. Ils achèvent les Anglais tombés à terre, impuissants à se relever sous leurs lourdes armures. Dans ce combat, on aperçoit une épée levée qui s’abat sans cesse sur les Anglais. C’est l’épée de Bertrand du Guesclin avant de recevoir celle de connétable que André de Lohéac a hérité à sa mort. Les Anglais abasourdis reculent dans un fossé et finalement se rendent. Le comte d’Aumale a gagné grâce à sa tactique.

Les Anglais y laissèrent entre mille trois cents et mille quatre cents hommes. En s’enfuyant, d’autres furent tués soit par la milice ou par les cavaliers du comte dans les marais, les champs et sur la lande. Les militaires français eurent quelques blessés, mais peu de morts. Une centaine d’hommes des communes se firent tuer dans les combats. William de la Pole, avec une trentaine de nobles anglais, fut captif. Les prisonniers et les otages des Anglais de Segré furent libérés. L’immense butin de bœufs et de vaches fut rendu à leurs propriétaires. Le comte d’Aumale adouba, chevalier, plusieurs seigneurs dont le jeune André de Laval, possesseur de l’épée de du Guesclin. Il lui dit : «  Que Dieu te fasse aussi vaillant que celui qui la portait ». Cette bataille eut un fort retentissement ; ce fut la première victoire française de Charles VII.

Aujourd’hui, pas une croix et pas une pierre ne rappelle le souvenir du combat de la lande de la Brossinière. La lande a disparu. Au moment du labourage des terres , les paysans découvrent, de temps en temps, des restes d’armures et d’armes relatant ce dur et sanglant combat du 26 septembre 1423.

Source : Études et récits sur Laval et le Bas-Maine – Le Fizelier · 1884

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