LE SIÈGE DE COMPIÈGNE ET LA PRISE DE JEANNE D’ARC, LE 23 MAI 1430
Aujourd’hui, je vais vous parler de Jeanne d’Arc. Pas de sa biographie, car d’autres l’ont fait brillamment. Je vais seulement vous parler du siège de Compiègne en mai 1430 et, surtout, de sa défaite et de sa bien malheureuse arrestation.
Les Bourguignons cherchaient à s’emparer de Compiègne depuis longtemps, mais cette ville était difficile à prendre sinon par trahison ou par surprise.
Les remparts de la ville, longs de 2 600 m, étaient flanqués de quarante-quatre tours, bien gardées. Donc, la ville n’était pas facile à ravir. Le duc de Bourgogne est résolu à se l’accaparer. Cette fois-ci, il demande l’aide des Anglais. Tout d’abord, il veut assurer de la rive droite de l’Oise. Il partage son armée de cinq à six mille hommes en trois groupes.
La première bataille, commandée par Jean II de Luxembourg-Ligny et composée de Bourguignons et de Flamands, prend position à Clairoix, à quatre kilomètres de la ville. La deuxième bataille, commandée par le maréchal Baudot de Noyelles-Wion et composée de Picards, campe à Margny à un kilomètre. Quant à la troisième bataille, commandée par le sire de Montgomery, et composée exclusivement d’Anglais, se loge à Venette, à deux kilomètres de Compiègne, sur la route de Clermont.
Cette décision rend maîtres les assiégeants des routes vers le Nord, la Picardie et la Beauvaisie. Quant au duc de Bourgogne, il prend ses quartiers, à six kilomètres, dans le château de Coudun. Par cet emplacement, il se place au milieu de son dispositif. Il est entouré de tous les chevaliers de la Toison d’or. Mais, il faut penser à sécuriser la rive gauche de l’Oise pour attaquer la place et ménager un chemin de repli en cas de défaite. Il ordonne la construction d’un pont en bois. Puis, le duc tient son conseil de guerre avec ses capitaines. Il est décidé qu’on s’attaquera d’abord au pont qui mène directement sur le boulevard de la ville et qui permettra aux assiégeants de réduire considérablement le moral des gens de la ville. Aussitôt, on creuse des tranchées pour se rapprocher et on élève une bastille pour faciliter le bombardement.
Mais, c’est à ce moment-là que Jeanne d’Arc est prévenue que Compiègne est assiégée. Elle s’était arrêtée, à vingt-quatre kilomètres de Compiègne, à Crépy-en-Valois après de durs combats à Lagny-sur-Marne. Accompagnée de son frère Pierre, elle ordonne à son capitaine Barthélemy Barette de lever quatre cents hommes et de bien les armer. Poton le Bourguignon, son compagnon d’armes lui dit, alors :
« — Jeanne, avec aussi peu de monde, on ne pourra rien faire contre une armée de plusieurs milliers de soldats.
— Poton ! Par mon Martin ! Nous sommes bien assez ; j’irai voir mes bons amis de Compiègne ».
Devant une telle réponse, on ne peut pas refuser d’accompagner Jeanne d’Arc. Elle décide de marcher de nuit, car les chemins ne sont pas sûrs, envahis par l’ennemi. La troupe arrive, sans encombre, à la porte sud de la ville vers cinq heures du matin et y entre. Elle est reçue normalement, car dix jours avant, elle logeait dans Compiègne. Elle se dirige vers l’église Saint-Jacques et dit aux gens assemblés, selon l’historiographe du duc de Bourgogne, la ridiculisant.
« — Mes chers amis ! Sainte-Catherine m’est apparue pour me signifier que ce jour je dois me mettre en arme contre les Anglais et les Bourguignons, que je les déconfirais et aurais la victoire sur la personne, le duc de Bourgogne ».
D’après un incident que le miroir des femmes vertueuses explique en ces termes : « La Pucelle, un bon matin, fait dire la messe à Saint-Jacques, se confesse et reçoit son Créateur, puis elle se retire près d’un pilier de cette église et dit aux gens et aux enfants assemblés qui désiraient la voir : « Mes enfants et mes chers amis, je vous signifie qu’on m’a vendu et trahie et que, bientôt, je serai livrée à la mort ; je vous supplie de prier Dieu pour moi, car j’ai toujours été dévouée à mon roi et au royaume de France ».
Parlons, maintenant, de la fameuse sortie de Jeanne d’Arc le 23 mai 1430. Lors d’un conseil de guerre, Jeanne d’Arc décide la manière de se battre. Vers cinq heures de l’après-midi, elle donne l’ordre à ses soldats de la rejoindre auprès de la demeure de Guillaume de Flavy, capitaine de la garnison, près de la porte qui donne sur le pont. Revêtue de sa huque1 brodée d’or et chevauchant son demi-coursier gris pommelé, elle se place en tête de son armée. Son frère Pierre, chargé de sa bannière, et ses capitaines dont Poton le bourguignon marchent vers l’ennemi. Elle se dirige tout droit en direction de Margny, position tenue par les Picards. Certain qu’il n’y aura pas d’attaque, à cette heure tardive, le capitaine met au repos son groupe. Arrivée proche du camp, elle crie à ses hommes« Au nom de Dieu, en avant ». Le camp est attaqué.
Malencontreusement, Jean de Luxembourg, stationné à côté à Clairoix, part rejoindre Baudot de Noyelles, à Margny, pour s’entendre sur le siège de la ville qui aura lieu le lendemain matin. À quelques lieues, il s’aperçoit que le camp de son ami est attaqué. De retour au sien, il fait appel aux armes. Toute la garnison de Clairoix est sur le pied de guerre. On rejoint les Picards en toute hâte. Le combat s’engage. L’armée de Jeanne est, maintenant, en sous-nombres. Elle a toujours en tête de combattre le duc dans son retranchement du château de Coudun. Une première tentative de percer les lignes ennemies échoue, puis une deuxième. Et encore un malheur, la troisième bataille de Venette est vite mise au courant de l’attaque française. Les soldats s’arment et viennent à la rescousse de leurs compagnons en attaquant l’arrière-garde de Jeanne d’Arc. Elle a maintenant presque toute l’armée anglo-bourguignonne contre elle. La panique s’empare des soldats. Leurs capitaines n’arrivent pas à les contenir. On fuit comme on peut soit vers la porte de Compiègne ou dans les barques amarrées sur les rives de l’Oise. Jeanne continue néanmoins la lutte avec sa garde rapprochée. Elle déploie courage et pugnacité. Après une heure de combat à neuf ou dix contre un, son entourage lui demande de battre en retraite et d’aller se réfugier derrière les remparts de la ville. Poton lui dit.
— Allez recouvrer la ville ! Sinon vous, et nous sommes perdus ;
— Taisez-vous ! répondit-elle. Cela ne tiendra que de vous que nous soyons déconfits ! Ne pensez que de férir sur eux.
Mais, elle comprend vite que tout est fini. Elle décide de protéger ses hommes et se bat bientôt seule pour leur laisser le temps de s’échapper. Il est trop tard. L’ennemi venant de Venettes leur barre la route de la retraite. Elle est entourée de toute part. Dans un dernier effort, elle agite sa bannière pour demander de l’aide à Compiègne, en vain ; personne ne bouge. Guillaume de Flavy, le capitaine de garnison n’attend pas son retour. Voyant arriver tant d’ennemis, il ordonne de baisser la herse de la porte et de lever le pont-levis. C’est la fin. À cause de sa huque brodée d’or, elle est repérée au milieu des combats. Tous se jettent sur elle pour la faire prisonnière. Un picard, nommé le bâtard de Wandonne, un des lieutenants de Jean de Luxembourg, la prend de côté par sa huque, la tire de son destrier et la jette à terre. Impossible de se relever, elle est prisonnière. Son frère et son fidèle Poton, le bourguignon, tombent aussi dans les mains de l’ennemi. Nous sommes le 23 mai 1430.
Malgré cette bataille et cette fin que raconta Jeanne d’Arc à son procès, d’autres amènent une version différente de sa prise, en particulier, Perceval de Cagny, un témoin, qui rédigeait les mémoires de l’héroïne, cinq plus tard, disait de ce dénouement.
« Quand les Anglais et les Bourguignons s’aperçurent qu’elle retournait pour recouvrer la ville à grand effort, vinrent au bout du pont. Le capitaine de la place voyant une grande multitude d’Anglais et de Bourguignons arrivée sur lui, par crainte de perdre sa place, fit lever le pont de la ville et fermer la porte. Et ainsi demeurèrent enfermés dehors la Pucelle et ses gens avec elle. Quand les ennemis virent cela, tous s’efforcèrent de la prendre. Elle résista très fort contre eux et enfin, elle fut prise, les uns mettant la main sur elle, les autres sur son cheval ».
Pauvre Jeanne. La prédiction de ses voix, reçue avant le combat, s’était finalement avérée exacte. La période de la lutte finissait, celle du martyre commençait.
Je ne raconterais pas la suite, sa vente aux Anglais par les Bourguignons, son procès et sa fin ignoble sur le bûcher de Rouen, car bien d’autres l’ont brillamment écrit.
Sources :
La prise de Jeanne d’Arc devant Compiègne et l’histoire des …Alexandre Sorel · 1889
Manuel du libraire et de l’amateur de livres – Volume 3 – Page 406 Jacques C. Brunet · 1843
1Casaque à capuchon non ajusté, portée comme manteau ou sur l’armure aux XVe et XVIe siècles