LE SIÈGE DE ROUEN EN 1449

LE SIÈGE DE ROUEN EN 1449

Le siège de Rouen en 1449

Rouen possédait les partisans les plus favorables de la Normandie aux Anglais. Le nombre de sympathisants, pour le roi de France, ne cessait d’augmenter depuis la mort de Jeanne d’Arc sur le bûcher qu’ils avaient réprouvée. Le comte de Somerset, gouverneur de la Normandie dont le siège était à Rouen, personnage dépourvu de génie et sans prévoyance aucune, pensait que, seulement, par son nom, la région lui était soumise.

Pendant le siège de la ville par les Français, il fut aidé par Talbot, arrivé rapidement d’Harcourt. Somerset le chargea de la défense de la ville. Celui-ci fortifia au mieux les remparts et plaça judicieusement ses deux mille archers restants de toutes ses campagnes. Il renforça le couvent de l’abbaye Sainte-Catherine, sur la route de Paris, par cent vingt hommes supplémentaires. La milice de la ville vint augmenter ses effectifs.

Le roi de France et son armée de deux mille lances et autant d’archers campaient à Pont-de-l’Arche. Il est rejoint par son beau-frère, René d’Anjou, avec cinquante lances et ses archers. Dunois envoya quatre hérauts pour demander la reddition immédiate de la ville. Ils furent menacés de mort et retournèrent rendre compte à leur chef. Le roi prit part au conseil de guerre. Il nomma Dunois à la tête de quinze mille hommes pour assiéger la ville. Le 12 octobre 1448, il arriva sous les remparts de Rouen et présenta une bataille aux Anglais qui la refusèrent. Après plusieurs jours, il se retira, non loin, par manque de vivres et de tentes, nécessaires pour passer l’hiver correctement, sachant qu’il n’arrêtait pas de pleuvoir et de grêler. Dunois, malgré l’attente du printemps, continuait à travailler les quelques notables favorables aux Français, dont un certain Pierre Blanchard, dont le père avait eu la tête tranchée sur ordre de Henri V qui lui reprocha son rapprochement pour les Valois. Ils promirent d’aider les Français, mais le moment présent n’était pas favorable. Dunois n’insista pas. Il se replia sur Pont-de-l’Arche en laissant assez d’hommes pour surveiller les sorties des Anglais. L’opinion contre les occupants augmentait. Talbot fit remplacer les gens de la milice par les siens, plus combatifs. Le conseil des notables décida qu’on ferait entrer les Français par les jardins des Arbalétriers, proches de la barrière Beauvoisine. Ils envoyèrent de nouveaux émissaires pour faire revenir Dunois dans la discussion. Le comte de Longueville partit avec son armée vers Rouen ; pendant ce temps, le roi décida de s’avancer vers la capitale normande et positionna son armée à Saint-Ouen, deux lieues de Rouen. Il se présenta six notables qui le rencontrèrent. Ils lui expliquèrent qu’une rébellion était en cours contre les Anglais.

Le siège faillit tourner à l’avantage des Français. En effet, Dunois envoya deux cents écuyers gravir, à l’échelle, les remparts des jardins des Arbalétriers. Quarante de ses hommes avaient déjà investi la place quand les portes des jardins se brisèrent, apparurent les Anglais de Talbot. En fait, un homme à lui , faisant partie des sympathisants, l’avait prévenu d’une tentative de pénétration des Français ; ils furent tous passés au fil des épées, y compris les arbalétriers de la ville ; les échelles furent brisées et la bannière de Talbot flotta sur les remparts pour dire à Dunois que sa ruse avait raté ; il repartit avec le roi à Pont-de-l’Arche. Mais, Talbot avait eu tort de tuer les arbalétriers; leur mort inspira un profond ressentiment de la population envers l’occupant. Cette fois-ci, l’insurrection eut lieu ; la foule s’en prenait, maintenant, à Talbot et Somerset qui ne purent contenir le mouvement de rébellion ; Somerset se hâta de rejoindre son château et Talbot s’enferma dans le palais qu’il occupait. Tous deux attendaient la suite des événements qui ne tarde pas. On fit sonner les cloches et l’on cria à tue-tête la retraite des Anglais. Aussitôt archevêque de Rouen, Raoul Roussel, avec une délégation, présenta la reddition de la ville au roi en lui demandant de garder les privilèges de leur cité ; Charles VII nomma Dunois, gouverneur général de Rouen. Il arriva devant les portes de l’abbaye Sainte-Catherine et somma les Anglais de se rendre ; au pied de la colline, Dunois plaça son armée en bataille face à la porte de Martainville. La délégation de la ville lui donna les clés des portes de Rouen ; il y entra avec sept cents archers et trois mille fantassins. Ils investirent le château et le palais où étaient retranchés les chefs anglais. Le lendemain, Dunois fit ouvrir toutes les portes de la ville aux gens de la campagne. Le commerce reprit. Quant à Somerset, il se présenta au roi de France qui lui demanda de se retirer, lui et ses hommes, où bon leur semblerait. Le roi leur répondit d’un ton sec et sévère.

On vous a offert, déjà, ce que vous me demandiez, et vous aviez repoussé; aujourd’hui, je veux que vous vous engagiez à me payer 150 000 écus pour frais de guerre, que vous n’emmeniez ni armes ni artillerie et que vous restituiez les villes de Honfleur, Caudebec, Tancarville et Harfleur.

Pour Harfleur, je refuse, dit Somerset, mon roi y tient fortement.

L’Anglais rompit les pourparlers et rentra dans son château. Privé de vivre, au bout du douzième jour, Somerset rencontra une nouvelle fois le roi et lui dit.

Je vous supplie de ne pas exiger la remise de Harfleur.

Charles VII, ne souhaitant pas réduire au désespoir la population, acquiesça, mais exigea que la comtesse de Somerset et quelques chevaliers restent en otage. Au bout de quelques jours, la capitulation des Anglais était actée, car la famine triomphait ; la reddition s’exécuta dans la totalité ; Somerset sortit, en tête, de ses trois à quatre mille hommes sans armes et sans artillerie et prit la direction de Caen. De son côté, Talbot rencontra le roi qui campait sur le plateau de Sainte-Catherine. Il mit un genou à terre et baisa la main du monarque. Le roi lui dit en souriant.

Soyez le bienvenu, Talbot ! Est-ce que vous venez bailler serment à moi ?

Seigneur, pardonnez-moi ! Je ne suis pas encore conseillé pour le faire.

Le 10 novembre 1449, Charles VII entra dans Rouen en compagnie de la chevalerie la plus illustre, des princes, des comtes, des sires et des seigneurs. Il y fut accueilli par l’archevêque de Rouen, les évêques de Lisieux, de Coutances et de Bayeux et douze notables ainsi que le clergé. Le plus âgé des notables devait faire un discours, mais l’émotion le submergea. Dunois prit la parole à sa place ;

Voilà, sire ! Vos bons bourgeois de Rouen qui vous supplient très humblement, que vous les teniez pour excuser, ce que si longuement, ils ont attendu de se remettre à votre obéissance ; car ils ont eu de fortes grandes affaires, et ont été contraints par les Anglais, vos anciens ennemis.

Sachez, gens de Rouen, que je suis très content de vous ; et, que je vous excuse.

Plus il avançait dans la ville, plus la foule innombrable lui témoignait sa joie. Le roi et sa suite restèrent huit jours où chacun fut logé et nourri par les habitants et les notables. Il n’y eut aucun incident, car les soldats appartenaient, maintenant, à l’armée permanente sous l’autorité, seule, du roi.

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