JEAN DE DUNOIS, CHAPITRE 3, ASCENSION ET CONSÉCRATION
Après leur réussite au siège d’Orléans, Jean de Dunois et Jeanne d’Arc rencontrent le roi à Loches. Charles VII les comble de louanges. Le comte d’Alençon, prisonnier à la bataille de Verneuil en 1424, paie sa rançon et rentre en France. Il y rencontre le roi. Il lui donne le commandement suprême de son armée pour continuer la guerre contre l’occupant. Celui-ci nomme, le bâtard d’Orléans, son premier lieutenant. De leur côté, les restants des troupes anglaises d’Orléans prennent Jargeau, Mehun et Beaugency. Ils demandent des renforts à Bedford ; il leur envoie une armée, commandée par Fastoff, de trois mille cinq cents hommes, tous picards et normands. Mais, les Français veillent. 12 juin 1429, ils reprennent Jargeau. Il y a six cents morts anglais, Suffolk est prisonnier et son frère William de la Pole se noie en voulant traverser la Loire.
Quelques jours plus tard, Beaugency est dans le collimateur des Français. Un événement entache l’autorité de Jeanne d’Arc. Le comte de Richemont, ex-connétable de France, marche avec ses hommes pour venir en aide aux Français. Jeanne d’Arc reçoit l’ordre de Charles VII de l’arrêter.
La Hire, Xaintrailles et une majeure partie des capitaines sont contre cette décision du roi, car on ne peut pas traiter, en ennemi, un prince breton. Dunois se range à leur avis et le défend. Jeanne d’Arc se plie à la décision de ses capitaines. Beaugency est attaquée par le comte d’Alençon qui donne le commandement de son armée à son oncle, le comte de Richemont. Le 17 juin, la forteresse demande sa reddition. À Mehun, Talbot quitte la ville suivi de trois mille cinq cents hommes, rejoint Fastoff pour protéger Paris. Ils livrent bataille à Patay le 18 juin. Les Anglais y laissent deux mille cinq cents hommes, morts, blessés ou prisonniers dont Talbot, leur général. Fastoff s’enfuit ; Bedford le réprimande et il en perd l’ordre de la Jarretière.
Le roi récompense Jean de Dunois. Il commande son armée pour se faire couronner à Reims. La troupe doit passer par les places tenues par Philippe III le bon, duc de Bourgogne. Les capitaines de garnison sont hostiles à ouvrir leurs portes de peur de recevoir des reproches de leur duc. Auxerre, Saint-Florentin, Châlons et Troyes se soumettent à Charles VII après quelques interventions musclées de Dunois et Jeanne d’Arc. Le 16 juillet 1429, ils arrivent à Reims. Durant la cérémonie du sacre, Dunois remplit les fonctions de connétable en l’absence du comte de Richemont. Après la cérémonie, Charles VII reçoit un message de Bedford qui veut lui livrer bataille selon les ordres du roi Henri VI. Dunois est aux anges en vue de combattre.
La bataille de Montépilloy le 15 août 1429
Chacun s’avance sur la route de Senlis. L’avant-garde française, commandée par La Hire et Ambroise de Loré, met en fuite les espions anglais venus à leur rencontre. Bedford, à la tête de douze mille hommes, stoppe net son armée et plante deux rangées d’épieux tout autour de lui et s’enferme. Il met son armée en position et attend l’attaque de la cavalerie française qui viendra se jeter sur ses piquets ferrés et lui assurera la victoire. Charles VII aperçoit le dispositif ennemi ; il ordonne, sévèrement, à ses capitaines de ne pas bouger. Il ne veut pas refaire les erreurs du passé comme à Crécy, Poitiers, Azincourt et la journée des harengs. Il avance jusqu’à deux portées d’arbalètes et met son armée en position de combat, attendant la sortie des Anglais de leur campement. Le roi commande la réserve ; les maréchaux de Boussac et de Saint-Sever, en première ligne à sa gauche ; Dunois, à sa droite, avec ses deux amis, La Hire et Xaintrailles ; le roi, les ducs d’Alençon, de Bourbon et de Vendôme, au centre. Charles VII envoie un héraut pour demander à Bedford de sortir de son camp. L’Anglais refuse. Le sire de la Trémoille, ce ministre tant redouté, avec l’accord du roi, tente une sortie. Il est défait, et serait, même, prisonnier sans l’intervention de trois chevaliers normands venus pour le sauver. Sous un soleil torride et brûlant, l’attente est longue. Au bout de trois jours, chacun se retire. Les Français ont peur que le roi soit pris et Bedford considère que s’il perd la bataille, il n’y aura plus d’armée pour protéger Paris. Il rentre vers la capitale, harcelé par les troupes de Dunois. Le roi, enhardi, pousse jusqu’au milieu de l’Île-de-France. Dunois, conduisant l’avant-garde, entre dans Saint-Denis et prend position devant Montmartre. Charles VII est ému quand il voit les portes de Paris que les Anglais lui avaient fermées depuis douze ans. Il donne l’ordre d’attaquer la capitale, mais son armée est repoussée au prix de beaucoup de morts. Ecoeuré de la guerre, il prend le chemin du Berry. L’année 1429 se termine ainsi.
Philippe III le bon fort mécontent que le roi de France se soit emparé de ses places fortes, lève une armée à base d’élites bourguignonnes, renforcée par trois mille Anglais. Ne pouvant tenir tête à une si forte armée, Dunois s’enferme dans Corbeil, Xaintrailles dans Melun et Jeanne d’Arc dans Compiègne. Le duc de Bourgogne apprend que Jeanne d’Arc est à Compiègne ; il assiège la ville. Lors d’une sortie hasardeuse, qu’avec six cents hommes, elle est arrêtée et faite prisonnière.
Dunois poursuit le duc jusqu’en Picardie après avoir rassemblé quatorze mille hommes. Elle est emprisonnée au Crotoy puis à Saint-Valéry-sur-Somme, et enfin échangée aux Anglais qui la brûlent à Rouen. Dunois, ne pouvant pas faire plus pour elle, retourne en Île-de-France et prend Gournay, Choisy et Pont-Saint-Maxence. Ainsi se termine l’année 1430 avec la prise de la malheureuse Jeanne d’Arc. Même après sa mort sur le bûcher en 1431, les soldats, dont elle s’était attirée la vénération, auront le désir de la venger.
La prise de Chartres, le 20 avril 1432
Chartres est tenue par les Anglais, mais quelques hommes généreux ont conservé l’amour de leur pays, la France, comme les pères Paris et Champron ainsi qu’un jacobin, nommé frère Sarrazin. Ils choisissent deux marchands, les plus sûrs, pour transmettre un message au roi que la porte Saint-Michel sera ouverte à leur signal. Charles VII donne la mission à son fidèle capitaine, Jean de Dunois.
Dunois, à la tête de quatre mille archers franchit la Beauce et s’approche de Chartres, le 19 avril. Il cache ses hommes dans les taillis, en embuscade. Un de ses lieutenants, Florent d’Illiers s’avance au milieu de la nuit, près de la porte Saint-Michel, accompagné de soixante soldats ; la Hire, avec trois cents archers gascons, le suit ; Dunois garde la réserve. Le frère Sarrazin choisit volontairement une église près de la porte de Dreux, à l’opposé de celle de Saint-Michel, pour y lire la messe afin d’attirer un maximum de gens loin de la bataille. Nos marchands arrivent à la porte Saint-Michel, avec un convoi de vivres, accompagnés de soldats revêtus d’une blouse. Connus de tous, les gardes ouvrent les portes sans se soucier de la ruse. Les bourgeois baissent le pont-levis. Le convoi entre dans la ville. Arrivés sous le porche, les marchands leur donnent du poisson pour détourner leur attention.
— Tenez ! Ceci sera pour votre dîner ; nous vous dérangeons si souvent ; il est juste de récompenser vos peines.
Dans leur dos, Florent d’Illiers attaque les gardes et réduit entièrement l’ennemi. Comme tout le monde est dans l’église à l’opposé de la ville, il plante la bannière de France devant le portail de la cathédrale. Les Anglais et les bourgeois surpris, battent le fer contre d’Illiers, et la Hire venu à son secours. Le sire de Goncourt arrive promptement, car ses amis sont en difficulté. Les gens de la ville contre le roi et l’évêque avec une croix dans la main et l’épée dans l’autre assaillent les Français. Mais, ce n’était pas sans compter sur l’arrivée de Dunois. Il entre au galop avec ses cavaliers et engage, fermement, le combat contre les bourguignons, les Anglais et les bourgeois. C’est un âpre corps à corps. Au bout de quelques heures, les points de la ville les plus importants sont aux mains des Français. Le gouverneur de la ville s’enfuit avec une centaine d’hommes ; l’évêque, ne cessant d’exciter les bourguignons, est tué avec plus de cent cinquante des siens dans les combats. La moitié de la ville contre les Français est pillée. Après sa prise de Chartres, Charles VII félicite un des marchands qu’il nomme contrôleur du grenier à sel de Chartres.
Au grand bonheur des maréchaux, des capitaines et de tous les gens de guerre, le roi disgracie Georges de la Trémoille. En effet, il forçait l’oisiveté de Charles VII, face ses véritables serviteurs. Le comte de Richemont est rétabli dans ses fonctions de connétable de France. Dunois est aux anges, mais quand Richemont reprend les rênes du pouvoir et s’impose comme chef incontesté des armées, cela lui déplaît fortement, lui qui a l’habitude de se gérer. Obéir aux ordres du connétable, qui lui fait comprendre qu’il n’était pas du même rang que lui, l’inquiète. Dès lors, une rivalité entre les hommes débute. Pendant deux années, ils combattent chacun de leur côté en évitant de se rencontrer. Mais, au milieu de l’année 1434, après des résultats moyens, le comte de Richemont propose d’entreprendre une campagne définitive avec tous les chefs de guerre. Le roi accepte. Pour battre Bedford, il compose son armée en quatre compagnies de cent lances, qui fait cinq cents hommes chacune. La première est donnée à Dunois dont il estime les talents et le caractère. Les rancœurs s’atténuent. Richemont, parti du centre de la France, traverse la Beauce, l’Île-de-France, et pénètre en Picardie. Dunois se charge de faire un coup de main sur Saint-Denis. Il investit la ville et repousse Bedford dans Paris. Les Anglais s’indignent que leur principal allié, les Bourguignons, les lâchent. En partant pour le congrès d’Arras pour la signature de la paix entre Philippe, duc de Bourgogne et Charles VII, Arthur de Richemont, laisse le commandement de son armée au maréchal de Rieux et à Dunois. Ils prennent Houdan, Pontoise et Beaumont. Les Anglais tentent de résister aux assauts, vainement. Tous se replient dans Paris. De retour d’Arras, le connétable concentre ses forces sur la capitale. Dunois s’approche de la première muraille et, conjointement, avec L’Isle-Adam, entre dans Paris. Les Anglais fuient la capitale. Paris redevient française. Charles VII y entre le 12 novembre 1437;
le roi de France nomme Dunois, le bâtard d’Orléans, gouverneur de la capitale. C’est la consécration du devoir accompli pour la France. Mais, l’animosité, entre le connétable et le gouverneur de Paris, repart de plus belle. Dunois, dans son nouveau rôle, peut négocier le retour de son demi-frère, Charles Ier de France, fils de Valentine Visconti et de son père Louis après vingt-cinq ans de captivité depuis la défaite d’Azincourt. Pour le remercier, il échange la seigneurie de Vertus contre le comté de Dunois dont l’acte est passé à Calais le 21 juillet 1439. Ce jour, le bâtard d’Orléans reçoit le titre de comte. Il se marie avec Marie d’Harcourt, fille de Jacques, comte de Tancarville. Il aura quatre enfants dont un fils, François Ier d’Orléans-Longueville.