BERTRAND DU GUESCLIN 1378-1379 ET LE PROBLÈME BRETON
Louis I°, duc d’Anjou, apprit que son épouse, Marie de Blois-Châtillon, la fille de la comtesse de Penthièvre allait bientôt accoucher. Il alla à Toulouse avec Bertrand du Guesclin et ses seigneurs. En chemin, il reçut un courrier du roi qui lui demandait de venir à Paris. Accompagné du duc de Sancerre, il rejoignit la capitale.
Charles V assigna le duc de Montfort à comparaître en personne à la Cour des Pairs pour répondre aux accusations du procureur général contre lui. Le jour dit, le 9 décembre 1378, le ro
i et les Pairs de France furent présents, mais le duc de Bretagne, absent. Aussitôt un arrêt fut prononcé. Le roi demande à tous les seigneurs bretons, les Clisson, Rohan, Malestroit, Lohéac et bien d’autres à son service de se ranger à sa décision. Il leur expose les termes de l’arrêt.
— Seigneurs de Bretagne ! le duc de Montfort ne s’étant présenté à la cour des Pairs pour répondre aux accusations de rapprochement avec l’Angleterre, je déclare que la Bretagne est acquise au domaine de France.
Ils n’approuvèrent guère cette décision. Ils lui expliquèrent qu’ils soutiendront plus la gloire et l’honneur de leur patrie que la France. Tous les seigneurs repartirent dans leurs domaines. Ils se réunirent et votèrent leur union en faveur du duc de Montfort, leur ancien ennemi, le 26 avril 1379. Ils ne voulurent pas que la Bretagne devînt une province de France. Ils rappelèrent le duc au pouvoir. Mais avant, ils se retirèrent tous du service du roi sauf le connétable Bertrand du Guesclin et Olivier de Clisson.
Le roi, habituellement calme, est ulcéré et rouge de colère. Il ne s’attendait pas à ce revirement de situation. Il pensait réunir tout le monde à sa cause. Il fut vexé d’avoir tant accordé aux seigneurs bretons, sa confiance et tous les biens qu’il les avait comblés. Le roi, furieux, congédia tous les Bretons à son service et leur ordonna de quitter la France. Le connétable et Olivier de Clisson furent bien seuls sans leurs amis bretons. Bertrand du Guesclin, vivement affligé de se voir abandonner des siens demanda au roi de se retirer dans ses terres ou de l’employer ailleurs. Il lui remit son épée de connétable. Quand Bertrand du Guesclin fut nommé connétable, il ne s’était pas fait que des amis. Il avait aussi ses détracteurs. Quelques-uns, aujourd’hui, voudraient bien qu’il rendît définitivement son épée. Ils rapportèrent des soupçons non fondés au roi. Ils lui dirent, même, que sa fidélité envers lui était douteuse et qu’il favorisait plus le parti de sa nation. Certains iront, même, lui dire qu’il n’attendait qu’une chose, aller vivre en Castille où il possédait beaucoup de biens et d’argent.
Bertrand du Guesclin fut mis au courant de cette cabale. Il en écrivit au roi et se plaignit de l’injustice à son encontre. Il protesta que sa fidélité ne s’était jamais démentie ni d’ailleurs son zèle. Le roi n’écouta pas les rumeurs contre son connétable. Il n’en avait jamais douté. Il lui répondit qu’il était très satisfait de lui. Pour le rassurer, il lui envoya le duc d’Anjou et Louis II, duc de Bourbon.
Ils lui dirent :
—Mon cher cousin, ce bruit de la cour n’a fait aucune impression sur le roi. Il sait que votre fidélité est égale à votre valeur et qu’elles sont toutes les deux inébranlables. Reprenez votre épée que nous vous tendons.
Cet échange fut coupé court quand Bertrand reçut un courrier du roi : » Mon cher Bertrand, les Anglais sont entrés en Guyenne et les places, que vous avez conquises, ont été reprises par notre ennemi commun. Vous êtes le seul à me venir en aide et à rétablir la royauté « . Le duc d’Anjou s’empressa d’intervenir :
—Cher cousin, eh bien ! refuserez-vous encore aux désirs du roi ? Non, je sais que mon cousin, le connétable, ne pourra pas résister devant un si beau témoignage de la bonté et de la confiance du roi.
—Je n’ai jamais eu l’idée de quitter le royaume sans aller prendre congé du roi, sans me défendre de l’injustice qu’il m’a été fait. Je reprendrai mon épée et je finirai ce que j’ai commencé : expulser les Anglais du royaume de France. Mais quand j’en aurai fini avec ma parole, je quitterai le service du royaume et je remettrai mon épée.
Peu de temps après, Bertrand du Guesclin retourna à Paris prendre ses ordres auprès du roi. Il fut ravi de revoir son cher connétable. Il lui renouvela son affection sans faille. Il regretta que quelques personnes mal attentionnées pussent le malmener et ébranler sa fidélité. Du Guesclin se jeta à ses pieds en le remerciant de tant de grâces en sa faveur. Seul à seul, le roi ouvrit son cœur et lui dit :
—Rassurez-vous contre toutes ces frayeurs ! je vous connais plein de vertu et d’honneur; Je sais que vous m’aimez et que vous ne devez pas douter de mon amitié, de mon estime et de ma reconnaissance ; je vous ai rappelé de Pontorson car votre présence n’y est plus nécessaire; Croyez-moi, je ne veux pas dépouiller le duc de Montfort; Au contraire, je veux le conserver, mais le détacher de ses alliances avec mes ennemis, les Anglais. Je veux qu’il s’allie avec moi et qu’il devienne un bon français; Depuis que vous avez quitté la Guyenne, les Anglais sont revenus et ont repris des places. Il m’importe de donner du calme à tout mon royaume et la paix pour mes sujets. Vous êtes, le seul, capable de renvoyer mes ennemis sur leur île.