MORT DE CHARLES V
À ma dernière publication sur Bertrand du Guesclin, je vous parlais du problème breton qui a beaucoup entamé le moral d’acier de ce héros. Aujourd’hui, je vais vous raconter les deux dernières années du mentor de Bertrand du Guesclin, le roi Charles V. Je vous parlerai surtout de ses problèmes de santé et, bien sûr, de sa mort dans d’atroces souffrances.
Le problème breton, je ne m’étendrai pas sur ce sujet car je l’ai développé lors de ma dernière publication. Néanmoins, je dois vous parler de son frère, le duc d’Anjou, dans ce conflit.
Charles V, tout en patientant avec les Bretons, sans pénétrer de force dans leur pays, y exerce une pression efficace et nécessaire. Au nord du duché, il regroupe une petite armée de 1100 hommes dans l’Avranchin sous les ordres de son frère, le duc d’Anjou avec ses généraux, le connétable Bertrand du Guesclin et le duc de Bourbon. Au sud, dans le Nantais, Olivier de Clisson tient un commandement de peu d’importance. Le duc d’Anjou pour apaiser l’atmosphère lourde conclut une trêve d’un mois ( le 17 octobre 1379). Jean IV de Bretagne l’accepte. Au moment où le duc d’Anjou conclut la trêve avec le duc de Bretagne, en septembre 1379, le roi de France le rappelle. En effet, des plaintes s’élèvent en Languedoc, dont il est le lieutenant du roi, contre sa manière de gérer le pays. Le 26 septembre, il lui répond que les plaintes sont sans fondement. Il signe la trêve avec les Bretons le 26 octobre 1379. Or, le 25 octobre, il y a la plus grande rébellion de la fin du règne de Charles V à Montpellier.
Le calme étant revenu entre la France et la Bretagne, le duc d’Anjou licencie son armée le 18 novembre 1379. Deux groupes restent sur place pour surveiller les mouvements dans le pays, au Nord, Bertrand du Guesclin et au Sud, Olivier de Clisson. Mais, c’est un camouflet pour le royaume de France. Jean IV de Bretagne signe un traité d’alliance offensive et défensive avec l’Angleterre le 1° mars 1380. Un mois plus tard, le clergé, la noblesse et la bourgeoisie envoient au roi de France une véritable profession d’amour pour leur suzerain, Jean IV. Le 18 avril 1380, Charles V est surpris des sceaux de l’évêque de Rennes, l’abbé S. Melaine, du vicomte de Rohan et de Charles de Dinan, sire de Montafilant, représentant les trois états du duché. Le roi de France refuse que le duc remonte sur son trône et que les Bretons gardent leur indépendance. Afin de conserver la maîtrise de la mer face aux Anglais, Charles V signe le renouvellement de l’alliance avec les Espagnols du roi Jean de Castille, fils d’Henri II de Castille. Celui-ci ne devra pas fournir huit galères, mais vingt à la France. Leurs capitaines reçoivent l’ordre de surveiller les côtes bretonnes, mais, aussi celles de l’Angleterre.
Les Anglais sont de retour en France
La guerre n’apporte plus tous les brillants succès des années précédentes. Vers le milieu de l’année 1378, le roi d’Angleterre nomme Robert Knolles, lieutenant en Guyenne. À ce moment, il ne reste plus aux Anglais que Bordeaux et quelques ports dans le sud-ouest de la France, dont Bayonne. Il débarque à Bordeaux avec une armée conséquente. Il dégage la ville et reconquiert un grand nombre de places prises auparavant par le duc d’Anjou et Bertrand du Guesclin. Charles V, se sentant diminué et faible, doit renouer de nouvelles négociations avec les Anglais. Mais, celles-ci échouent. Au même moment que meurt Bertrand du Guesclin, les Anglais entrent en France pour sauver la Bretagne. Cinq mille hommes débarquent à Calais prêts à recommencer une de ces chevauchées comme par le passé. Le septième et dernier fils d’Édouard III, Thomas, Comte de Buckingham et de Gloucester la commande. Le 22 juillet 1380, l’armée se met en route. Comme celle d’Hugues Calveley, il passe par Reims, traverse la Seine à Troyes et se dirige vers la Bretagne par la Beauce sans être inquiété par les troupes françaises commandées par le duc de Bourgogne. Mais, arrivé à Chartres, le duc apprend une mauvaise nouvelle. Le roi se meurt. Les frères du roi accourent. Le duc de Bourgogne licencie une partie de son armée. Les Anglais entrent en Bretagne sans livrer bataille.
La mort de Bertrand du Guesclin
Charles V, pour sortir son connétable de l’imbroglio breton, l’envoie guerroyer contre les routiers en Haute-Auvergne. Avec le duc de Berry et le comte de Sancerre, le 20 juin 1380, il met le siège devant Chaliers, au-dessus de la vallée de Truyère. Le 27 juin, aidé par cinq cents hommes venus de Saint-Flour avec leur artillerie, Bertrand du Guesclin entre dans la ville. Mais, il ne se repose pas pour autant. Il continue sa route vers Châteauneuf-de-Randon. La forteresse est tenue par Pierre de Galard, un lieutenant de Bertucat d’Albret. Le 28 juin, le siège commence. La forteresse est attaquée de toutes parts. Mais, nous sommes dans les derniers jours de Bertrand du Guesclin. Le 6 juillet, il tombe malade, une forte dysenterie. Son état de santé s’aggrave rapidement. Le 9 juillet, il fait son testament. Le 13 juillet, le connétable de France, Bertrand du Guesclin, meurt le jour même où la forteresse se rend. Charles V est très affligé. Il vient de perdre son connétable, mais, surtout, un ami et un fidèle soutien à son roi. Il lui fait des obsèques aussi solennelles que s’il avait été son propre fils. Il ordonne que son corps repose à Saint-Denis. Il est inhumé dans la chapelle de Saint-Jean-Baptiste, préparée pour la famille royale, où la reine Jeanne de Bourbon reposait déjà et où reposera le roi lui-même quelques mois plus tard.
Charles V s’affaiblit de jour en jour.
Le roi de France quitte Paris pour Montargis à cause de son insalubrité constante. Le 1° février 1380, il se réinstalle dans la capitale, mais, sa faiblesse et son dépérissement sont visibles. À peine arrivé, il a un excès de goutte qui l’emportera quelques mois plus tard. Charles V, le 21 janvier 1380, entre dans sa quarante-quatrième année. Il devrait être dans toute la force de l’âge, mais les problèmes de santé du passé ressurgissent. C’est en 1374 que le roi a d’étranges maladies. À partir de ce moment, il faut penser à la succession. Octobre 1374, deux ordonnances règlent les conditions de régence si le nouveau roi est mineur. L’idée de la mort s’impose à Charles V. En effet, dès 1360, apparaît un œdème chronique de la main droite, entraînant, de bonne heure, l’impotence voire totale du membre atteint. Comme il est dit ci-dessus, il contracte une longue attaque de goutte en janvier 1380 de retour à Paris. Pourtant, il n’a jamais donné des signes de fléchissement ni dans les réceptions ni dans les chevauchées à travers Paris. Les derniers mois de sa vie sont très remplis. Ils lui causent beaucoup d’ennuis et de soucis. La révolte dans le Languedoc contre son frère, le Grand Schisme qui divise l’Europe entre deux courants rivaux et la chevauchée anglaise du comte de Buckingham à travers la France l’anéantissent, lui, déjà si faible. Le roi fatigué se meurt, en cause une insuffisance cardiaque. Il est dans son manoir de Beauté sur Marne. Dans la nuit du 13 au 14 septembre 1380, éclate une crise fatale – une crise cardiaque très probablement – tout de suite très violente et douloureuse. Se sentant mourir, il demande l’extrême-onction à son confesseur, le dominicain frère Maurice de Coulanges. Le samedi 15 septembre, la journée est très dure à passer. Les douleurs sont de plus en plus vives dans tout le corps. Le pouls bat faiblement. Les pulsations cessent d’être distinctes l’une après l’autre. Le dimanche 16 septembre, au lever du jour, on introduit de nombreux témoins qu’il avait demandés, des prélats, de grands seigneurs, des dignitaires du Conseil et son confesseur. Charles V peine à parler, mais, a encore des choses à dire. Il est atteint d’un nouveau symptôme, l’hyperesthésie cutanée qui l’empêche de suivre les prières de la messe. Il préfère écouter les orgues, allongé sur son lit. La fin approche. Le roi mourant baise la croix, demande le pardon des torts causés durant sa vie et bénit son fils, le dauphin Charles. Il entre en agonie. Il a quelques derniers râles et expire dans les bras de son fidèle ami et conseiller Bureau de la Rivière.
Il était surnommé « le sage ». Jean de la Fontaine disait de la mort « la mort ne surprend pas le sage : il est toujours prêt. » En effet, Chartes V était prêt à mourir pourtant si jeune. Dans ma prochaine publication, je vous parlerai des derniers de jours de Bertrand du Guesclin. Il faut savoir qu’il mourut quelques mois avant son roi, Charles V.
Après, j’en aurai fini avec ces deux modèles, hauts en couleur, en bravoure et en charisme, qui sauvèrent la France au 14° siècle de la rancune et du ressentiment d’un roi qui voulait être aussi roi de France, Édouard III, le roi d’Angleterre.
Source : Histoire de Charles V, tome V , par Delachenal – 1931 ( Archiviste paléographe (promotion 1883), il est élu membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1920, successeur de l’abbé Lejay. )
Le siège de Chaliers: https://la-guerre-de-cent-ans-et-nous.com/siege-de-chaliers-juin-1380/