Bertrand Du Guesclin sort de l’ombre
En 1353, Bertrand Du Guesclin est écuyer du Roi de France.
Les techniques de guerre sont pleine évolution. Entre tradition et innovation Du Guesclin sera le trait d’union entre la chevalerie – loyauté, générosité et valeur – et le chef de bande – ruse, cruauté et férocité -. Avec lui, les règles de la chevalerie, l’ost féodale, font place à l’efficacité et la réussite.
Durant cette période, il côtoiera aussi bien le Roi d’Angleterre que les pires brigands des Grandes Compagnies.
Depuis le tournoi de Rennes, Bertrand est fier d’être reconnu par les siens, les chevaliers. Il en acceptera toutes les règles, en voici quelques unes :
– On fixe à l’avance le lieu et le jour de la bataille.
– On décide de s’accorder des trêves de 2 ou 3 jours avant de reprendre le combat.
– Si l’on est fait prisonnier, on ne porte pas d’arme tant que la rançon n’a pas été versée en totalité. A la bataille de Najera, fait prisonnier, Bertrand ne portera qu’un bâton.
– Le cri de guerre est prisé. Pour Bertrand, ce sera : « Montjoie, St Denis, Guesclin »
– On s’identifie par des armes sur l’écu et l’haubergeon (armature de maille des chevaliers). Le blason fait son apparition. Celui de Du Guesclin est d’argent à l’aigle bicéphale éployée de sable becquée et membrée de gueules, à la cotice du même brochant sur le tout.
On ajoute une devise personnelle. Celle de Du Guesclin sera: « Le courage donne ce que la beauté refuse ». En effet, il sait qu’il est laid et mal formé. Il n’est aimé des femmes que pour son rang dans la société et non pour sa beauté. D’ailleurs, la répartie sur les femmes n’est guère appréciée de ses Pairs : « Celui qui se fie à une femme est un fou. Les femmes n’ont pas plus de bon sens que les brebis ». Ce n’est pas la courtoisie et le respect de la gente féminine qui l’étouffent.
– On a le culte du héros. Bertrand préfèrera César, Hannibal ou encore Lancelot.
– On défend son honneur, sa famille et son lignage quand on part au combat.
Les défaites du passé, L’Ecluse, Crécy et Poitiers rendent plus critique Bertrand. Il se tourne vers une guerre moderne plus réaliste. Le seul but est de gagner.
L’Ost toujours présente dans l’armée du Roi doit s’adapter à une nouvelle forme de recrutement. La location de soldats professionnels, non sans risque, fait son apparition surtout à la bataille de Poitiers. Ils sont recrutés parmi les cadets de la petite noblesse, les paysans sans terre, les citadins sans emploi, les mendiants robustes et les marginaux de toutes sortes. Armer le peuple pourrait être dangereux. Tous ces « gibiers de potence » disait la chevalerie après Poitiers errèrent dans le royaume et formèrent les Grandes Compagnies dont la plus importante la Compagnie Blanche. Du Guesclin les connaît bien. Souvenez-vous de l’exploit du château de Fougeray.
Il deviendra pendant plusieurs années leur chef incontesté en particulier lors de la campagne d’Espagne.
L’ost est présente avec les Grandes Compagnies mais une nouveauté vient bouleverser les techniques de guerre : L’apparition de l’artillerie à poudre.
Appelés bombardes ou canons, dès 1331, les italiens effectuent les premiers tests. Ils sont convaincants. Ils ont été utilisés lors des conflits en Bretagne, à Calais et pour défendre les châteaux forts. Du Guesclin, de l’ancienne école, se voulant mobile sur le terrain ne souhaite pas s’encombrer de cette artillerie lourde à déplacer.
1354, Bertrand est chef de lignage et petit seigneur au service de Pierre de Villiers, capitaine de la garnison de Pontorson. Il est sous les ordres du maréchal d’Audrehem.
En effet, il a gagné cette position de chef lors de l’escarmouche au château de Montmuran. Ce château appartient à la famille de Laval (par Jean Laval-Chatillon), une des plus illustres familles de France à l’époque et parents par alliance de la famille de Montfort en guerre contre les Penthièvre pour la succession au trône de duc de Bretagne.
Le chevalier Alacres de Marès (ou Elaste du Marais), normand du Pays de Caux recevait le maréchal d’Audrehem au château. Du Guesclin présent à cette réunion fut mis au courant de l’arrivée des anglais. Il arma une dizaine d’archers et tendit une embuscade à l’entrée du château. Choqué que l’effet de surprise n’eut pas fonctionné, les anglais engagèrent le combat au corps à corps après avoir essuyé une volée de flèches. Du Guesclin stoppa net l’attaque et fit prisonnier le capitaine anglais Calveley.
Plus tard, le chevalier normand adouba chevalier Bertrand Du Guesclin dans la chapelle du château, pour avoir, héroïquement sauvé Montmuran des anglais.
Cet exploit dépassa les frontières. Lors d’une entrevue avec le duc de Lancastre, chef des armées anglaises en Bretagne, celui-ci lui proposa même de le faire et de lui donner des terres lors d’une rencontre. Il lui dit : « Bertrand, si vous voulez demeurer avec moi, vous trouverez en moi un bon et loyal ami ; Je vous ferai chevalier et vous donnerez aussi terres et grand avoir, je vous le promets »
Bertrand de répondre : « Sire, je vous remercie de cette attention. Je ne puis accepter car j’ai choisi mon camp, Charles de Blois. Et je tiendrai parole jusqu’à ma mort ».
L’affaire est close. Pourtant il était monnaie courante de passer à l’ennemi pour un fait d’armes. Bertrand restera toujours fidèle à sa parole et ne changera jamais de camp.
Maintenant il a 34 ans. Il est seigneur et chevalier. De 1354 à 1355, il continuera ses escarmouches contre les anglais et ce jusqu’en 1356, le siège de Rennes……