JEAN DE DUNOIS, DE L’OMBRE A LA LUMIÈRE

JEAN DE DUNOIS, DE L’OMBRE A LA LUMIÈRE

La suite

Toujours dans l’ombre du comte de Richemont, son rival, Dunois propose au roi de France la reconquête de la Guyenne dont il serait le seul chef de guerre. Fatigué des combats, le roi hésite une première fois et accepte, par la suite, sa proposition. Il faut en finir avec l’occupation anglaise sur le territoire français. Il le nomme une seconde fois lieutenant général en ses guerres. Charles VII réunit, à Tours, les princes de sang, le clergé et les hauts dignitaires du peuple. Tous valident la proposition de Dunois. Après de multiples atermoiements et retards, Dunois forme son armée de quatorze mille hommes, dont quatre mille archers ; il est accompagné du comte de Penthièvre, du maréchal de Culant, de Xaintrailles et du sire d’Orval. Avril 1450, ses lieutenants se mettent en marche en direction du sud. Les hostilités commencent en Dordogne. Les barons aquitains, les sires de Rochechouart et de la Rochefoucauld, amènent six cents nobles. Bergerac tombe dans les derniers jours de l’année 1450. Chalais, Sainte-Foix et Saint-émilion suivent. Ses lieutenants prennent La Réole, Marmande et Bazas.

 

Le sire d’Orval s’approche de plus en plus près de Bordeaux. Le maire, Pierre de Lude, a l’intention d’arrêter l’avancée des Français. Le jour de la Toussaint, il sort à la tête de huit mille hommes de la milice et cinq cents soldats anglais ; les paysans lui annoncent que les Français ne sont que mille huit cents et campent dans le bois. Il se hâte pour fondre sur eux ; fourbue et à bout de souffle, la troupe arrive à l’orée du bois ; mais, dans la plaine, deux lignes françaises en rang serré les attendent. Ces derniers se ruent sur la milice et en tuent plus de mille deux cents. À la vue du massacre, le maire quitte les lieux des combats précipitamment ainsi qu’un groupe important de cavaliers et part se réfugier derrière les murs de Bordeaux.

Les messages de prises des villes et de la bataille près de Bordeaux incitent Dunois à lever une nouvelle armée. Avril 1451, il part de Chinon avec cinq mille archers, quatre compagnies de cents lances. Il ordonne qu’aucun soldat ne vole ni vivre ni chevaux ni bétail. Tout doit être payé aux paysans. Sur le chemin, on achète la viande en interdisant de tuer les animaux de labours, utiles pour le travail de la terre. Le comte d’Angoulême, troisième fils de Louis d’Orléans, est son premier lieutenant. On peut remarquer d’autres chefs prestigieux dont les comtes de Vendôme, de Clermont, de Nevers, des princes de sang ; les sires de Castres, de Tancarville, de Chabannes et bien d’autres ; et bien sûr, jean de Bureau et son artillerie. Cette énorme troupe arrive, en bon ordre, à la frontière de la Saintonge. Blaye est la première ville conquise après de durs combats avec deux cents morts sur les remparts ; le 15 juin 1451, Fronsac se rend.

Arrivé aux portes de la capitale aquitaine, Dunois envoie un héraut pour demander la capitulation de Bordeaux. Il ne reçoit aucune réponse. Il fait embarquer quinze mille fantassins dans des embarcations prévues à cet effet. Il descend la Dordogne et remonte la Garonne. Il envoie, une deuxième fois, deux hérauts pour demander leur reddition. Les habitants répondent qu’ils acceptent de se livrer à plusieurs conditions. Les notables de Bordeaux disent aux hérauts qui sont Jean de Bureau et Pierre Briquet, bailli de Mont-Marsan.

Nous prêtons serment de fidélité au roi de France, mais nous demandons que le chef de cette armée, Jean de Dunois, comte de Longueville, jure sur les Évangiles qu’il respectera nos lois, franchises, privilèges et coutumes ; que les gens, qui ne veulent pas prêter serment, quittent la ville libres de se retirer où bon leur semble ; qu’il ne lève aucun nouvel impôt de nature à gêner le commerce et qu’il sera établi à Bordeaux, un parlement pour toute la Guyenne.

Les hérauts rapportent leurs exigences et Dunois répond.

Moi ! Sire Jean de Dunois, comte de Longueville et du Dunois, j’accepte toutes les exigences.

Bordeaux donne les clés de la ville au comte de Longueville. Ils lui livrent les forteresses de Blagnac et de Saint-Macaire. Le Captal de Buch, commandant la garnison anglaise de Bordeaux, refuse de prêter serment, car il veut rester fidèle aux Anglais qui lui ont octroyé l’ordre de la jarretière ; il se bannit de son pays, la France. Il rejoint l’Angleterre ; Henri VI pour le féliciter de sa fidélité lui donne le comté de Candale. Le 23 juin 1451, Dunois entre dans Bordeaux ; il nomme Jean de Bureau, maire perpétuel de la ville. Le comte de Longueville monte sur la plus haute tour, enlève la bannière anglaise et y lève celle des lys des rois de France.

Les comtes, qui accompagnent Dunois, quittent l’armée et rentrent dans leurs domaines. Dunois continue la guerre avec le reste de ses hommes. Il désire prendre la ville de Bayonne ; il est accompagné des maréchaux de Lohéac et de Culant, les sires de Chabannes, d’Orval, de Noailles, de La Rochefoucauld et de Rochechouart ; et, bien sûr, Jean de Bureau suit avec son artillerie. Il prend contact avec le comte de Foix, Gaston IV de Foix-Béarn, qui hait les Anglais. Pendant que Dunois prenait Bordeaux, le comte de Foix assiégeait Bayonne, sans résultats, car il ne possédait pas assez d’hommes et d’artillerie ; il décide d’en faire le blocus en attendant les Français. Les Anglais, du sire de Beaumont, tentent l’attaque du campement du comte de Foix, depuis la porte de Mer, mais Bernard d’Armagnac, lieutenant du comte, les arrête dans leur projet. Il tue trois cents hommes et force Beaumont à rentrer dans Bayonne. Avec l’arrivée des Français, la donne change. Aussitôt proche des portes de la ville, Dunois ordonne à Bureau de placer son artillerie. En voyant cette ligne de machines de guerre meurtrières, les habitants demandent à parlementer en dépit du refus de Beaumont qui veut la défendre jusqu’au bout ; le général leur accorde une trêve de trois jours pour régler les termes de la reddition. Pendant la trêve, un chevalier français, Martin Grazié venu parler aux bourgeois de la ville, est tué d’un coup de couleuvrine par un Anglais, n’ayant pas respecté les ordres. Dunois s’irrite et dit au capitaine de la garnison.

Sire ! Vous avez violé les termes de la trêve. Aussi, je durcis vos conditions ; vous vous rendrez à discrétion et le canonnier, qui a tué mon chevalier, me sera livré ; je vous ajoute une amende de 40 000 livres pour frais de guerre.

Les habitants s’insurgent contre Beaumont et ses soldats ; éclate, alors, une insurrection que le gouverneur apaise. Le lendemain, regardant les nuages qui formaient une croix, ils disent à leur chef.

Qu’il plaise à Dieu que nous soyons Français.

Les bourgeois arrachent l’étendard de l’Angleterre et y posent celui de la France, orné d’une croix blanche. Le 20 août 1451, les portes de la ville sont grandes ouvertes. Le comte de Foix entre par la porte de Léon et Dunois par celle du Saint-Esprit. Quant aux Anglais, ils quittent la ville sains et saufs, mais sans leurs armes. La prise de Bayonne complète la conquête de la Guyenne. L’Angleterre épuisée par une longue guerre et déchirée par les discordes civiles ne peut défendre ses territoires. Dunois, en bon général, garantit aux habitants la fin des horreurs de la guerre.

Dunois quitte Bayonne en laissant un minimum de troupe. Il remonte à Bordeaux avec le reste de son armée. Puis, il forme une forte garnison, et retourne vers la Loire et la Seine. Charles VII le comble d’une joie inespérée. Il déclare, Jean de Dunois, comte de Longueville, prince de sang et apte, ainsi que sa lignée masculine, à succéder au trône, si toutes les autres lignées masculines s’éteignaient. Il le décore du titre de restaurateur de la monarchie.

Alors que Dunois est à la tête de vingt-cinq mille hommes contre Louis, fils du roi de France, en Dauphiné, il apprend que la Guyenne s’est révoltée contre la France. Les Bordelais, habitués à ne payer qu’une légère taxe aux Anglais, sont obligés de payer le prix fort pour la dernière expédition des Français en Guyenne. Cela suffit pour que les bourgeois se révoltent, suivis par les barons aquitains. Ils reconsidèrent l’occupation française et demandent le retour des Anglais. Le 16 octobre 1452, Talbot part de Plymouth avec mille nobles et son fils, le comte de Lisle, le suit avec sept mille hommes ; le 21, il débarque à Pauillac et rejoint Bordeaux au plus vite. Le 24 octobre, croyant obtenir l’aide des bourgeois, Jean de Coëtivy, frère de l’amiral tué à Cherbourg, capitaine de la garnison de Bordeaux, se retrouve bien seul devant les Anglais avec une insurrection des Bordelais. Afin d’éviter un bain de sang, il choisit de mettre bas les armes. Il est envoyé dans les prisons de Londres. Les places fortes tenues par les Français tombent une à une par manque d’hommes pour combattre. Fronsac, Blaye, Castillon et d’autres villes, bordant la Dordogne, sont prises par Talbot. L’hiver arrivant, il retourne dans Bordeaux.

 

Charles VII, à l’annonce de retour des Anglais en Guyenne, suspend son armée contre son fils. Il réunit le grand conseil à Lyon pour prendre la bonne décision afin de repousser l’ennemi hors des frontières. Louis, son fils, voulant enterrer la hache de guerre avec son père, lui propose d’unir son armée à la sienne ; le roi répond ainsi.

Je n’ai besoin d’aucun secours étranger pour faire rentrer les rebelles dans le devoir, et je serai toujours en position de les châtier, quels qu’ils soient.

Charles VII choisit Joachim de Rouhaut pour commencer les hostilités dans le Périgord. Dunois, quant à lui, est envoyé en Normandie pour calmer les Normands déstabilisés par une possible intervention des Anglais. Pensant être mis au rencart par le roi, il lui vient l’idée d’envahir l’Angleterre. Il commence à réunir quelques nefs, quand le roi, averti de cette initiative malheureuse, lui envoie l’ordre de renoncer à une entreprise de ce genre.

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