Jean de Dunois ternit sa gloire et se rachète auprès du roi

Jean de Dunois ternit sa gloire et se rachète auprès du roi

Reparlons de Jean de Dunois (1403 – 1468) que j’avais un peu délaissé ces dernières semaines. Après sa jeunesse et ses premières armes, ses sièges de Montargis, d’Orléans et de Rouen, en 1440 Jean de Dunois est dans la tourmente puis, se rachète auprès du roi aux sièges de Verneuil-sur-Avre, de Harfleur et de Caen.

La gloire ternie et le pardon du roi

Une rébellion des princes naît, en 1440, la Praguerie, quand le roi décide de faire la paix avec les Anglais après trente ans de combats impitoyables. De la Trémoille, en disgrâce, en prend la tête. Dunois, oubliant ses devoirs et aveuglé par la haine au comte de Richemont, participe à cette rébellion. Lors d’une de leurs réunions, Arthur de Bretagne s’incruste dans cette assemblée et demande que tout cela cesse. Ils sont six cents alors que le connétable n’est accompagné que par vingt personnes de son hôtel. Ils sont tous prêts à l’arrêter.

Grâce à l’intervention du sire de Chabannes, qui est contre son emprisonnement, le connétable est libéré. Il dit, alors, à l’assemblée.

L’arrestation du premier officier de la Couronne pourrait rompre les pourparlers avec les Anglais et les faire revenir, chez nous, dès qu’ils apprendront que le roi de France est privé de son chef des armées.

Dunois s’aperçoit, très tôt, qu’il a fait une erreur en prenant part à cette rébellion. Il voit le roi à Poitiers et embrasse ses genoux en implorant sa clémence. Charles VII l’accable de reproches. Il lui accorde, quand même, son pardon et l’envoie en Île-de-France expulser les Anglais. Ces derniers rompent les pourparlers. Dunois fond avec son armée sur eux qui pillent, sans obstacle, la Picardie, la Beauce et le Vexin. Il pousse jusqu’à Dieppe aux prises avec les Anglais de John Talbot. Celui-ci fait construire une grande bastille en bois et y place des canons pour détruire la ville et son château. C’est la première fois que le dauphin de France, Louis, futur roi sous le nom de Louis XI, intervient dans un combat. Il commande les troupes et Dunois est son second. Après de multiples assauts, dont un avec le plus hasardeux dauphin, la bastille est prise et Dieppe est sauvée. Dunois laisse l’honneur de ce brillant succès au dauphin qui, voulant lui témoigner sa reconnaissance, lui donne en 1443 le comté de Longueville, ancien apanage de Bertrand du Guesclin. Après cette perte, les Anglais rompent la trêve et s’emparent de Fougères. Les hostilités recommencent. Charles VII ordonne la formation de deux armées dont l’une combattra dans la Haute-Normandie et l’autre dans la Basse-Normandie. Quant au roi, il s’occupe de la réserve pour soutenir l’une et l’autre. Le premier corps est commandé par le connétable de France, le comte de Richemont, Arthur de Bretagne, et le deuxième par Jean de Dunois qui reçoit le titre de lieutenant-général du roi. Il a, alors, cinquante ans. À noter que la Picardie, qui sert l’intérêt des Anglais depuis vingt-cinq ans, les abandonne. Douze cents nobles rejoignent les rangs du roi de France. Ils n’exigent aucune solde et promettent de se conformer aux règlements militaires en vigueur. Le 30 août 1449, les trois corps d’armée se mettent en marche, le comte de Richemont depuis le Maine, le comte de Longueville depuis la Beauce et le roi depuis Vendôme. Tous convergent vers la Seine, en aval de Paris. Dunois dispose son armée en trois corps : à sa gauche, le comte d’Eu et le sire de Brézé ; à sa droite, le comte de Saint-Pol et Florent d’Illiers et, lui, au centre. Sa droite investit Verneuil et Neuchâtel ; Jean de Dunois s’occupe d’Évreux.

La prise de Verneuil-sur-Avre en juillet 1449

Un meunier qui hait les Anglais, car il fut maltraité, indique aux Français, un passage secret pour entrer dans la ville. Ils y pénètrent et s’opposent à une forte résistance des Anglais et des gens de la ville, mais ces derniers sont repoussés vers le château appelé la tour grise. Brézé tente vainement de l’occuper. Dunois accourt avec quatre mille archers pour aider son lieutenant. Arrivé dans la ville, on l’informe que Talbot le suit à quelques lieues. Il y laisse huit cents hommes. Puis, il fait volte-face avec le reste de son armée et cherche le contact avec Talbot qu’il retrouve à Harcourt. Se voyant en sous-nombre, l’Anglais choisit une belle position et s’y enferme à l’aide de ses chariots et de ses bagages. Il place deux rangées d’épieux. Dunois remarque le dispositif de son ennemi et est prudent comme à son habitude. D’abord, il interdit à ses chevaliers d’attaquer les Anglais à cause des rangées de fer dans lesquelles ils iront s’empaler. Il enveloppe le camp retranché par son armée et décide d’attendre une sortie de Talbot. Celui-ci, s’apercevant que son ennemi a compris son plan, décide dans la nuit de quitter les lieues en laissant son campement briller de tous feux. Il se réfugie dans le château d’Harcourt.

Les renforts, demandés par le capitaine de la garnison de Verneuil, ne viendront pas l’aider, car ils se sont, eux-mêmes, enfermés dans une forteresse. Après un mois de siège, les vivres viennent à manquer. Les Anglais et les gens de la ville, acquis à leur cause, se rendent aux Français le 19 juillet 1449. Après avoir manqué le siège du château d’Harcourt, Dunois se jette sur Pont-Audemer. Le capitaine de la garnison, le sire de Montfort, trésorier de la Normandie pour les Anglais, résiste à deux attaques. Le comte de Longueville brûle deux faubourgs. Profitant du désordre, il fait escalader ses hommes aux échelles qui entrent dans la ville. La ville est prise au bout de trois heures de combat. Dunois y fait quatre cent vingt prisonniers. Les sires de Rambures, de Roye, de Croy, de Crèvecoeur, et les héros de la journée sont armés chevaliers par Dunois. Une par une, les villes normandes sont reprises aux Anglais comme Argentan, Pont-de-l’Arche, Lisieux, Gournay, Vernon, Gisors et beaucoup d’autres, ainsi que Château-Gaillard, si célèbre lors du siège de sa forteresse par cinquante mille hommes de Philippe Auguste, ouvre les portes à Dunois. Maintenant, il reste Rouen aux mains des Anglais.

Parlons, maintenant, du siège de Harfleur en décembre 1449

Avant de repartir au combat, car d’autres places fortes sont encore tenues par les Anglais, le roi laisse à Rouen six mille hommes. Dunois part vers Harfleur avec vingt mille gens d’armes. Tancarville, Arques et Lillebonne ouvrent leurs portes aux Français. Il ne reste que Honfleur pour que les otages soient libérés. Le 10 décembre 1449, Dunois investit la place de Harfleur. Mais, pour naviguer sur la Seine, l’affaire se complique. Le froid, le vent glacial et les marées gênent son avancée. Le roi, à Montivilliers, accourt, casque en tête, avec sa réserve ; la résistance anglaise tient bon ; rien n’y fait pour une victoire française, sauf que Bureau réussit à placer correctement ses canons. La ville essuie le feu des canons pendant six jours ; au bout du septième, la garnison capitule. Le 28 décembre 1449, Dunois entre dans la ville et plante sa bannière, à la place de l’anglaise, sur la plus haute tour, appelée phare. Dunois quitte Harfleur le 10 janvier 1450 et investit Honfleur le 17. Après d’âpres combats, le capitaine Courson, chef de la garnison, demande la reddition, mais il sollicite Dunois d’attendre cinq jours avant de lui remettre les clés au cas où Somerset lui enverrait des renforts ; au sixième jour, le pont-levis s’abaisse; Curson remet les clés de la ville ; les Anglais embarquent dans leurs nefs et rejoignent Cherbourg.

Avec l’aide de la division du comte de Clermont, Dunois s’empare de Bayeux, la troisième ville de la Normandie, après un siège plusieurs heures de combat ; aux premières sommations, le capitaine de la garnison, Matthieu Goth, demande la capitulation. Il donne les clés à Dunois et sort avec ses neuf cents hommes, bâton levé en main selon l’usage, sans arme, sans ses chevaux et ses chariots. Cinq cents femmes et deux cents enfants les suivent, après trente ans d’occupation. Ce spectacle touche l’âme des vainqueurs ; les chevaliers offrent, aux dames nobles, des destriers et les soldats, aux femmes du peuple, des charrettes pour transporter enfants et bagages.

Passons à la prise de Caen, le 24 juin 1450

Caen, cité prospère, fut tantôt française, tantôt anglaise. En 1417, Henri V fait de la ville l’un des principaux points d’appui sur le continent. Les fortifications sont renforcées et le régent de France, Bedford, y crée une université connue dans le Maine, la Picardie et L’Île-de-France. En 1450, Somerset, après avoir été vaincu à Rouen, prend les commandes de cette forteresse avec trois mille hommes. Charles VII et ses généraux pensent que la conquête de la Normandie sera complète lorsque Caen tombera. Le maréchal de La Fayette et le comte de Clermont s’occupent des faubourgs Saint-Gilles ; les maréchaux de Lohéac et de Culant placent leur division, en bataille, dans la grande prairie et lui, dans le faubourg de Vaucelles. Les Anglais sortent pour empêcher les Français de construire un pont pour rejoindre la ville, et pour défendre les approches par la rivière. Dunois n’avance pas. Le comte de Richemont, arrivé avec son armée, investit la vieille ville, depuis l’abbaye Saint-Étienne jusqu’aux remparts du château.

De rage, Dunois bouscule les Anglais et traverse la rivière, l’Orne. Charles VII donne le signal d’attaque à Dunois par le ravelin 1 de l’hôpital; mais, les Anglais ont prévu l’assaut par cet endroit et le renforcent en homme. Leur opiniâtreté à combattre dure la journée entière, sans résultat pour Dunois. La nuit contraint le comte de Longueville à cesser les combats. Le lendemain matin, on recommence les assauts. Richemont, attaquant par la vieille ville, oblige Somerset à diviser ses forces. C’est à ce moment précis que Dunois réussit une percée dans le ravelin. Il prépare l’assaut final quand le roi fait tout arrêter ; il ne veut pas livrer la ville, au pillage, déjà saccagée deux fois par les Anglais. Il envoie un héraut à Somerset pour lui demander de capituler. Pendant qu’on attend la réponse, on entend une explosion. Richemont vient de faire sauter le bastion renfermant les munitions des Anglais. Somerset, maintenant, ne peut plus attendre, il cède la ville au roi de France. En plus de sa rançon de 150 000 livres pour sortir de Rouen, Somerset donne le double pour quitter Caen. Le 24 juin 1450, la paix est conclue. Les notables donnent les clés de la ville à Richemont qui les transmet à Dunois, nommé commandant supérieur de Caen par Charles VII. Le roi y fait son entrée le 6 juillet 1450.

   

Dunois, après avoir traité des affaires comme commandant de la garnison, part avec ses hommes réduire les derniers bastions anglais en Normandie. Domfront et Falaise sont rapidement investies. Plusieurs hommes permettent la réussite de la reconquête de la Normandie. D’abord, un homme incontournable, Jacques Coeur, le trésorier du roi, car il paie la solde des soldats tous les quinze jours et sans retard. Puis, un artilleur qui permet de conclure les redditions, Jean Bureau entouré de ses hommes, tous génois, italiens ou espagnols. Ils se font, eux aussi, payer rubis sur l’ongle. Grâce à cette régularité dans le paiement de la solde, il n’y aura aucun pillage. Les Normands, au début, hostiles aux Français déploient un zèle soutenu pour aider Charles VII dans ses batailles.

 

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