Charles V, exercice du pouvoir 5° partie, année 1373
Le problème breton
L’Angleterre n’est plus maître des mers depuis la bataille navale de la Rochelle où la flotte anglaise a coulé. Sur le terrain, Charles V avec ses frères et son connétable, Bertrand Du Guesclin ont reconquis le Poitou. Partout les anglais reculent.
Le roi rappelle ses proches à Paris. Un problème subsiste : la Bretagne. Il leur demande des conseils pour traiter le cas de Jean IV, duc de Bretagne.
Celui-ci ne voit pas l’avancé des français dans tout le royaume et surtout l’anéantissement des troupes anglaises. Il redoute le retour des Penthièvre au pouvoir du fait de son alliance avec le roi d’Angleterre. Il craint aussi de ses propres sujets qu’il ne s’est pas attachés et en particulier les Clisson et les Rohan.
Charles V, quand à lui, est serein. En effet, il les a accueillis, sans distinction de parti, en foule, dans les rangs de l’armée royale. N’oublions pas que 25 ans de guerre civile ont rendu ses hommes les meilleurs guerriers d’Europe. Jouant de diplomatie, il nomme deux bretons connétables de France. Du Guesclin puis à la mort de celui-ci Olivier de Clisson.
Jean de Montfort soutenu par Robert Knolles, son vassal, appelle à son secours une troupe anglaise et leur livre les places de Cornouailles et du Léonais. C’en est trop pour les bretons qui supporte de plus en plus mal la présence anglaise sur leur territoire. Jean provoque un soulèvement populaire. Les anglais sont à peine entrés dans Morlaix et Lesneven qu’ils en sont chassés. Les bretons les massacrent. Conscient que la rébellion prend une mauvaise tournure, il demande de nouveaux renforts aux anglais. Ils tentent de débarquer à Saint-Malo mais sont repoussés par Du Guesclin aidés des villageois. Pour forcer ses alliés à l’aider, Jean IV de Bretagne leur promet des places fortes comme Brest, Quimperlé, le Conquet et le fameux château d’Hennebont.
Voilà pourquoi, les frères du roi et Du Guesclin sont à Paris. En effet, les barons bretons demandent de l’aide à Charles V contre la félonie de leur duc. Bertrand du Guesclin reçoit aussitôt l’ordre de partir pour la Bretagne. Il y rentre accompagné d’Olivier de Clisson, le vicomte de Rohan, Guy XII de Laval et d’autres chevaliers bretons. Voyant l’arrivée de Bertrand du Guesclin, les effectifs de son armée grossissent à vue d’œil.
Le duc de Bretagne prend peur et s’enfuit en direction d’Auray et embarque au Conquet pour l’Angleterre afin de se mettre à l’abri. Maintenant, le gouverneur de la Bretagne n’est autre que robert Knolles. Toutes les places fortes tombent une à une sans combattre. Robert Knolles se réfugie à Brest. Mais la situation n’est pas en sa faveur. Il demande à rencontrer Bertrand qui l’assiège et lui dit :
« – Messire, ceux de Brest demandent un répit de 40 jours. Si les renforts n’arrivent pas avant, le ville se rendra. »
Bertrand sait qu’aucun renfort n’arrivera d’Angleterre. Il laisse une forte armée devant les murs de la ville et se dirige vers Nantes, la ville la plus importante de tout le duché. Il arrive à destination mais les portes sont fermées. Les notables négocient avec Bertrand du Guesclin. Il accepte leurs conditions suivantes :
– Que les français seront gardiens de la ville jusqu’au retour du duc qui prêtera allégeance au roi.
– Que les revenus publics seront mis en séquestre jusqu’au retour de leur duc.
La pays nantais est soumis. Il ne reste au duc que quelques places comme Auray, Bécherel, Brest et Derval.
Profitant de l’absence de Du Guesclin à Nantes, Robert Knolles reçoit des renforts d’Angleterre 1000 hommes d’armes et 2000 archers du comte de Salisbury qui croisait au large des côtes bretonnes. Après avoir ravitaillé la ville, Salisbury reprend la mer. Du Guesclin avec son armée remonte le long des côtes jusqu’à Brest. Avec ses renforts français, les places fortes sont prêtes à tomber quand arrive un contre-ordre du roi de France.
La grande chevauchée du duc de Lancastre.
Juillet 1373, les anglais débarquent à Calais. Ils sont 30 000, placés sous les ordres du duc de Lancastre, capitaine-général du roi d’Angleterre et de jean IV de Bretagne. Les anglais ne s’attaquent pas aux places fortes françaises. La mission du duc est de rejoindre la Guyenne au plus tôt avec une armée complète. Mais cela ne se passera pas comme prévu. De Calais, il passe à Arras et évite Reims. Les villages, qu’il traverse, sont désespérément vides d’habitants et de nourriture. En effet, Charles V prévenu par son frère, le duc de Bourgogne, que le duc de Lancastre a débarqué avec une puissante armée prévient toutes les villes et villages situés sur leur chemin. Il leur demande de se regrouper dans les places fortes avec leur bétail et leur récolte.
Le duc de Bourgogne, sur l’aile droite du duc de Lancastre, surveille leurs mouvements. L’ordre du roi de France est simple : éviter tous contacts directs avec l’ennemi. Avec son armée, il protège Paris, il les suivra jusqu’au passage de la Seine en aval de Troyes.
Maintenant, le duc de Lancastre descend vers le sud-est. Il traverse la Loire à Marcigny entre Roanne et Digoin. Il entre dans le Bourbonnais. Moulins, Clermont et Aigueperse sont sur sa route.
Mais, le plus dur reste à faire. Les anglais ont déjà perdu des hommes en chemin lors des passages des fleuves et rivières, des ponts et des défilés. Charles V demande aux forces armées de pratiquer la guerre de harcèlement et la destruction des convois de ravitaillement. Et ça marche. Les anglais évitent la chaîne des Puys et empruntent la route des plateaux de la Marche et du Limousin. L’automne avec ses pluies et l’approche de l’hiver avec sa froidure vient à bout de cette armée. Le duc a perdu presque tous ses chevaux et presque toute son armée. Il ne comptabilise plus que 6 000 hommes à Bergerac. Les soldats meurent soit de froid ou de faim. De plus, ils sont harcelés sur leur route par les paysans et les montagnards qui tuent tous les retardataires.
Bergerac, ville amie, les accueille. Les anglais mendient même du pain. Ils arrivent en guenille. Certains sont sans armure car trop lourde.
Charles V a gagné son pari. Sa tactique de harcèlement a surpassé l’ost du moyen age. Cette armée, si belle avec ses bannières déployées, qui débarque à Calais en août 1373, n’est plus l’ombre que d’elle-même à Bordeaux quatre mois plus tard. Le duc de Lancastre, dans cette aventure, a perdu son prestige. Il n’a même pas bataillé contre les français. Cette expédition est un désastre. Les caisses du royaume d’Angleterre sont maintenant vides. Il n’y en aura pas d’autre avant longtemps. Elle restera la pire des expéditions organisées par les anglais depuis des décennies.
Malgré les renforts amenés en Guyenne, le duc de Lancastre n’empêchera pas le duc d’Anjou de soumettre la Gascogne, pourtant la fierté du Prince Noir et du roi d’Angleterre, Édouard III. Fin 1373, les anglais n’occupent plus que Bayonne, Bordeaux et quelques autres places.