JEAN I° DE LUXEMBOURG, ROI DE BOHÊME

JEAN I° DE LUXEMBOURG, ROI DE BOHÊME

Je ne vous parlerais aujourd’hui ni de Charles V et ni de Bertrand du Guesclin. Il est des méconnus voire même des anonymes qui ont marqué leur époque, leur vie par un évènement ou par un acte de bravoure. Un prince de sang ! un roi ! qui par son sacrifice pour une cause idéaliste est mort au combat à Crécy le 26 août 1346.

Ce personnage haut en couleur n’est autre que Jean I° de Luxembourg, roi de Bohême.

Qui est Jean I° de Luxembourg (1296 – 1346) ?

Jean est le fils unique d’Henri VII, comte de Luxembourg et empereur romain germanique et de Marguerite de brabant. En 1322, à la suite du mariage de sa sœur Marie de Luxembourg (1305- 1324) avec Charles IV Le Bel, il devient beau-frère du roi de France. Il est aussi le père de Bonne de Luxembourg, épouse du futur roi de France, Jean II. À demi Français par son éducation (il descend de Louis VI roi de France et de Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine) il est en butte à l’hostilité de la noblesse tchèque, il lui abandonne l’administration de la Bohême et passe sa vie à parcourir l’Europe, se rendant au Luxembourg et à la cour de France. Jean est donc un habitué de la cour de Philippe VI, tout comme son fils Wenceslas, futur empereur sous le nom de Charles IV. Il peut donc compter sur le soutien politique et financier du roi de France.

En 1340, suite à une opération ratée des yeux, il devient aveugle.

Il fait partie de cette noblesse de robe qui croit fermement à l’idéal chevaleresque. Il en est l’archétype au XIV° siècle. La vie de Jean de Luxembourg est marquée par sa recherche de la gloire chevaleresque dans les tournois mais aussi dans les batailles. Sa mort héroïque sur le champ de bataille de Crécy, combattant les Anglais malgré sa cécité, là où le roi de France fuit, est dûment célébrée par Pétrarque et Jean Froissart, le chroniqueur du XIV° siècle.

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Rappel de la bataille de Crécy

Toujours et toujours des problèmes d’égo. Édouard III, roi d’Angleterre, était assuré de monter sur le trône de France par sa mère, Isabelle de France, fille du roi de France Philippe IV le Bel, capétien direct. Mais les Pairs de France en décident autrement. Ils ne veulent pas d’un roi anglais à la tête de la France et encore moins d’un roi issu d’une mère même de sang capétien. Un article de la loi salique, pour l’occasion, interdit aux filles de monter sur le trône de France. Philippe VI de Valois, capétien indirect sera roi de France en 1328.

Édouard III, poussé par sa mère, a soif de vengeance. Il fera payer très cher au royaume de France ce choix d’un Valois au lieu d’un Capétien direct comme lui. La Guerre de Cent Ans est enclenchée. Elle durera 116 ans. En effet, il ne cherche qu’à montrer sa puissance à Philippe VI. En 1346, devenu Maître des Mers après la défaite navale française de l’Ecluse en 1340, il débarque en Normandie à St Vaast la Hougue et commence à piller, incendier, tuer et voler tout sur son passage. Les historiens appelleront cette expédition : la chevauchée d’Édouard III. Il veut montrer l’impuissance des français à enrayer la force anglaise. Il décide de traverser la Seine mais tous les ponts sont détruits sur ordre de Philippe VI jusqu’à Paris. A Poissy, il construit un pont sur des piliers restants d’une explosion ratée. Il traverse le fleuve. Il se dirige maintenant vers le comté du Ponthieu (partie maritime de la Somme) héritage de sa mère.

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Sur sa route, le Vexin et la Beauvaisie sont pillés et brûlés pour cacher sa fuite. Philippe VI lève l’ost royal et se lance à sa poursuite. Arrivé à Crécy en Ponthieu, Édouard III, se sentant chez lui, s’arrête et décide d’attendre les français. Nous sommes le 25 août 1356.

Les dernières heures de Crécy

Revenons à Jean I° de Luxembourg, l’Aveugle. L’ost royal ne suffisant pas, Philippe VI demande de l’aide à d’autres princes et rois dans toute l’Europe. Les renforts viendront de Savoie, de Monaco, de Gênes, de Lorraine, de Navarre et de Bohême. En tout 50 000 hommes contre 20 000 anglais. Le matin du 26 août 1356, la bataille est engagée. Les anglais ont la position stratégique idéale : ils sont sur une colline avec l’arrière protégé par un bois. La position des français, elle, est délicate, ils sont dans la vallée. Ils sont obligés de grimper pour engager le combat. Il dure toute la journée. Il pleut. Le terrain est boueux. Le passage des piétons et des cavaliers n’arrangent rien. Nous sommes en fin d’après-midi. Le soir tombe. La pluie cesse et le soleil réapparaît. les français l’ont de face et à l’horizontal. Ils sont aveuglés. Vers 19h00, la bataille est en phase d’être perdue. C’est un désastre.

L’État Major rend compte au roi de France : « Monseigneur, tous les Génois sont déconfits et reculent. Nos soldats montent à l’assaut et trébuchent l’un sur l’autre, et nous empêchent d’avancer grandement. »

Le roi de Bohême demande aux conseillers militaires : « Où est messire Charles de Bohême, roi d’Allemagne, mon fils ? Ils répondirent. Monseigneur, nous ne savons pas; nous croyons bien qu’il soit autre part et qu’il combatte. Eh bien donc. dit le roi à ses gens de grande vaillance. Seigneurs, vous êtes mes hommes, mes amis et mes compagnons ; aujourd’hui, je vous prie et requiers très spécialement que vous me meniez si avant que je puisse férir un coup d’épée. »

ils se lièrent tous ensemble par les rênes de leurs chevaux. Le roi était en tête du groupe pour mieux accomplir son désir de combattre avec son épée à la main. Bannière levée, ils partirent au galop dans la bataille.  Il ne saura jamais que son fils quitta le champs de bataille quand il vit que tout était perdu.

L’Ost royal de Philippe VI est déconfit. Tout est fini

Côté français, c’est l’hécatombe : 11 princes, 2 prélats, 1285 chevaliers et 16 000 piétons sont morts,

Citons quelques noms prestigieux : Jean de Luxembourg, roi aveugle de Bohême, Charles, comte d’Alençon, frère du roi, Louis de Châtillon, comte de Blois, Jean de Châlons, duc de Lorraine, Louis de Sancerre, Jean d’Auxerre, Louis de Nevers, comte de Flandres, le comte d’Aumale, l’Évêque de Sens, l’archevêque de Nîmes et bien d’autres.

Fasciné par la bravoure de ce chevalier ennemi Jean l’Aveugle, le Prince Noir, fils aîné d’Édouard III, aurait demandé la permission à son père de porter les signes armoriaux principaux : les trois plumes et la devise « Ich dien, ».

Sa popularité augmenta au XIXe siècle quand ce personnage haut en couleur servit à ancrer une conscience nationale luxembourgeoise. Son combat idéaliste mais désespéré, fidèle à sa devise (« Je sers »), est à l’histoire du Luxembourg ce que Jeanne d’Arc est à la France.

En 1543 ses ossements déposés dans un sépulcre de marbre dans l’abbaye de Münster près de son lieu de naissance à Luxembourg, en furent retirés à la destruction de l’abbaye en 1543 lors des guerres opposant Charles Quint à François Ier.

En 1618, la dépouille royale retrouva un nouveau tombeau de marbre dans la nouvelle abbaye de Neumünster.

En 1684 celle-ci fut détruite à son tour lors du siège de Luxembourg par les armées de Louis XIV.

En 1688 un troisième tombeau fut alors aménagé au moment des guerres révolutionnaires secouant la France.

C‘est dans un quatrième tombeau qu’une famille de faïenciers sarrois, les Boch, transféra une nouvelle fois la dépouille dans un endroit « plus sûr » en la chapelle de l’Ermitage de Kastel-Staadt.

Ce n’est qu’en 1946, soit exactement six siècles après sa mort, que Jean l’Aveugle put retrouver son troisième tombeau dans la crypte de la cathédrale Notre-Dame de Luxembourg.

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