1358, LA DERNIÈRE ANNÉE DIFFICILE POUR CHARLES

1358, LA DERNIÈRE ANNÉE DIFFICILE POUR CHARLES

Charles face aux États Généraux

L’ordonnance de 1357 est publiée. Mais Jean II est toujours roi de France. Il veut gérer son royaume à distance.

Il s’oppose vivement à cette disposition. Il envoie à Paris 3 de ses proches : Jean d’Artois, comte d’Eu, Guillaume de Melun, archevêque de Sens et son frère, le comte Tancarville. Ils ont pour mission d’interdire la levée de l’impôt et la réunion des États Généraux mis en place par son fils. En fait, il lui interdit toute initiative. Le roi veut gérer le royaume de France à distance.

Les parisiens réagissent par une émeute. Un bruit circule dans Paris. Les envoyés du Roi réuniraient une armée contre eux et chercheraient à emprisonner Étienne Marcel.

Celui-ci met la ville en état de siège. Il fait fermer les portes de la capitale. Il distribue des armes pour la défendre. Tous désavouent le roi.

Poussé par les États Généraux, Charles, profitant de cette confusion, constitue son propre conseil face à celui de son père. Il s’entoure de vieux amis, Flote, Roucy, Étampes, tous extérieurs au pouvoir royal. Il fait aussi rentrer Jean de Craon, évêque de Reims. Ils sont tous issus du Parlement et sont des réformateurs.

Un problème est entier : Étienne Marcel se pose en chef de guerre à Paris et Charles en chef de gouvernement. De plus en plus, se profile un affrontement entre eux deux.

Mais «à l’orée du bois», un autre personnage est dans l’attente sa chute : Charles de Navarre.

Charles, le Dauphin, est duc de Normandie mais plus de la moitié des territoires appartiennent aux Navarre. De plus, certains seigneurs normands sont restés fidèles au roi Jean II et non à son fils. Il ne lui reste que la fonction de dauphin du Viennois.

Il est dans une situation difficile, en pleine crise de d’identité et de confiance.

Un événement viendra perturber l’ascension du Dauphin. Charles de Navarre est libéré de la forteresse d’Arleux le 09 novembre 1357. Voilà 18 mois qu’il y était emprisonné suite à son arrestation par Jean II. Ses amis navarrais, picards et d’Artois montent cette expédition. Elle est conduite par les frères Piquigny. Sorti de sa prison, il ne se repose pas. Il veut récupérer ses terres volées par Jean II, ses hommes, son pouvoir et surtout son honneur sali. Nous avons oublié son rang de roi de Navarre. Il repart vers ses terres où il est reçu en roi. Sans perdre de temps, escorté, il entre dans Paris le 29 novembre 1357. Il est accueilli solennellement par le clergé parisien conduit par Jean de Melun, évêque de Paris et par une troupe de bourgeois commandée par Étienne Marcel.

Que va-t-il faire et que va-t-il dire aux parisiens venus l’acclamer ?

Le 30 novembre, Étienne Marcel rassemble 10 000 parisiens pour écouter Charles de Navarre. Bon orateur, il prêche pendant des heures :

« Je suis couronné, dit-il, et je suis de la droite lignée de France. Le roi de France m’a volé mes terres, mon honneur et m’a enfermé 18 mois. Je demande justice et rien de plus »

Dès le 03 décembre 1357, le Conseil se réunit pour délibérer des requêtes navarraises. Le camp navarrais et les bourgeois sont présents. Aussitôt Étienne Marcel prend la parole. Il invite le Dauphin à céder à la pression :

«  Sire, dit Étienne, faites au roi de Navarre aimablement ce qu’il vous requiert, car il convient que ce soit fait. »

Le résultat de la délibération est un accord entre les 2 princes afin de les réconcilier. Les clauses d’application sont les suivantes :

– La restitution des biens au roi de Navarre et à ses partisans

– La rémission des frères Piquigny

– La réhabilitation des victimes de Rouen. 4 nobles navarrais ont été assassinés par le roi Jean II en avril 1356 à Rouen.

L’arrêt est publié le 12 décembre 1357.

Charles n’est pas en reste. Il revient du Dauphiné avec une troupe de 2 000 hommes. Elle campe autour de Paris. Les parisiens s’affolent et lui demandent des explications. Il justifie la présence de troupes de la manière suivante :

« C’était pour rebouter les ennemis qui étaient autour de Paris, dit-il, ils sont là pour la défense de Paris et du royaume »

Ils nomment ses amis à la tête des troupes : Le Maréchal de Bourgogne, Gérard de Thurey, Le Connétable de Flandre, Robert Beaussart de Wingles, Le Connétable de Normandie, Robert de Clermont

La tension monte. Étienne Marcel rassemble toutes ses troupes et leur distribue des armes. Il leur demande de se coiffer d’un bonnet rouge et bleu afin de ne pas se confondre avec les ennemis. Tout Paris est en bleu et rouge. Charles, le Dauphin décide de calmer le jeu. Il va au devant des parisiens. Il harangue la foule :« Soyez mes bons sujets, comme je veux être votre bon seigneur. Des voix du peuple rétorquent. Sire, vous avez trop attendu à prendre le gouvernement. »

Furieux, Étienne Marcel le soupçonne de monter le peuple contre lui.

Rien ne va plus entre le Régent, Étienne Marcel et Charles de Navarre.

En effet début 1358, la monnaie est dévaluée comme prévu, le trésorier du dauphin Jean Baillet est assassiné et Charles de Navarre ne recevra rien du traité de paix.

L’ordonnance du 21 février 1358 n’arrangera rien. En effet, les États se réunissent une dernière fois. Les revendications de l’ordonnance de 1357 sont réitérées. Mais de nouvelles injonctions sont rajoutées :

– Plus de réunions locales et tenues obligatoirement à Paris.

– L’exercice du pouvoir sera soumis aux stricts contrôles afin d’éviter le gaspillage des deniers publics.

– Les états consentiront à la levée d’un impôt.

– Les forteresses tenables seront pourvus de garnisons. Les autres seront détruites.

– Les réquisitions arbitraires seront interdites.

– Autorisation de la résistance par la force.

Mais l’accord est loin d’être parfait entre les nobles du Conseil et les bourgeois.

Le ton monte entre le Dauphin, le roi de Navarre et Étienne Marcel. Le matin du 22 février 1358, Charles est dans sa chambre avec quelques conseillers au Palais de la Cité. Robert de Clermont, maréchal de Normandie et Jean de Conflans, maréchal de Champagne l’entourent. Ils entendent des bruits anormaux venant de la rue. Par la fenêtre, ils aperçoivent des attroupements de gens. Tous convergent vers la place St Éloi. Maintenant ils sont près de 3 000. Étienne Marcel, le prévôt des marchands leur parle. Les parisiens se sentent menacés par une rumeur venant des envoyés de Jean II. Il rassemblerait une armée qui marcherait vers Paris pour réprimer l’insurrection.

On distribue les armes et la foule quitte La place St Eloi pour le Palais de la Cité. Leur intention est simple: «  Qu’il sera bon que certains de l’entourage du régent soient ôtés du milieu » Étienne et ses compagnons arrivent dans la chambre de Charles, il s’ensuit un dialogue qui le marquera à jamais.

Étienne Marcel, sèchement : « Sire, dit-il, prenez en charge les affaires du royaume et débarrassez-nous de cette armée du roi et aussi des pillages des Compagnies. Il répond. Je le ferais volontiers si j’avais l’argent. Mais à ceux qui perçoivent les impôts de le faire, qu’ils le fassent. Étienne Marcel se tourne vers ses compagnons. Il leur dit. Allons chers amis, faites vite pourquoi vous êtes venus. Puis il fait demi-tour et le prévient. Sire, ne vous ébahissez pas des choses que vous allez voir car cela a été décidé et il faut que cela soit fait »

Ses compagnons se jettent sur Jean de Conflans et le tuent de plusieurs coups de couteaux. Robert de Clermont cherche à s’enfuir. Il est rattrapé et abattu sur place. Charles est seul.

Il a peur. Il demande à être sauvé par Étienne Marcel. Celui ci le prend près de lui et dit : «  Sire, restez près de moi, vous n’avez rien à craindre. Portez le bonnet rouge et bleu et moi, je prendrez le votre. Ils comprendront que nous formons qu’une seule tête ». Ils n’en voulaient pas au jeune prince mais seulement à son entourage, responsable de la politique de Jean II. Leur travail n’est pas fini. Ils traînent les corps à travers sa chambre puis dans les escaliers. Ils abandonnent les corps sous ses fenêtres. Ils quittent les lieux. Après les meurtres, le prévôt parle aux parisiens. Il harangue la foule qui lui voue fidélité jusqu’à la mort. Il retourne près de lui plus que jamais investi d’une mission de médiation et lui demande de conclure une alliance avec le peuple de Paris. Forcé, il accepte. Il devra :

– Ne pas quitter Paris avec une escorte de plus de 30 à 40 personnes

– De faire le changement politique prévu depuis l’ordonnance de 1357

– Échanger les informations reçues de l’un sur l’autre

Le régent est sous domination et « ôté du milieu ». Étienne Marcel rencontre la reine Jeanne d’Évreux, mère de Charles de Navarre. Il lui demande de faire revenir son fils car la voie est libre pour le trône de France. Charles de Navarre a gagné sur toute la ligne. Il dîne même avec le Dauphin. L’ordonnance sera respectée. Il reçoit ses 10 000 livres de revenus, le comté de Bigorre, le comté de Longueville en Normandie, Nogent le Roi et Anet.

Malgré cette situation le 14 mars 1358, le Grand Conseil avec des prélats, des barons et des bourgeois délibère. Charles devient officiellement Régent de France et se substitue désormais à son père Jean II à la tête du royaume.

Par l’alliance signée, tout est réorganisé. Le nouveau régime est composé de 2 assemblées. La première est constituée de prélats et de barons. La deuxième sera formée que de bourgeois. Maintenant, il faut prévenir tous les députés de la langue d’oïl. Étienne Marcel fait à ce moment une grosse, grosse, erreur. Comme il ne peut pas réunir tout ce monde d’un coup et surtout à Paris, il décide d’envoyer le régent faire le tour des villes autour de la capitale. Il portera le message du nouveau régime et il les préparera à la levée de l’impôt conforme à la nouvelle ordonnance de février 1358.

C’est une occasion inespérée pour Charles de quitter Paris. D’ailleurs, il ne reviendra pas de sitôt. Le 17 mars 1358, il quitte Paris avec son épouse, Jeanne de Bourbon, et leur fille. Son frère Louis et sa sœur font parti du voyage. Il a bien l’attention de les mettre à l’abri.

Il tient conseil à Senlis, Compiègne et Meaux. Jusqu’à présent tout s’est bien passé et les villes acceptent de payer l’impôt. Mais à Provins, c’est une autre histoire. Nous sommes en Champagne.

Paris a envoyé 2 émissaires pour accompagner le régent, Robert de Corbie et Pierre de Rosny chanoine de Notre Dame. Le 9 avril 1358 Charles réunit les états généraux de la ville. Avant de commencer les députés champenois demandent aux parisiens des explications sur le meurtre de Jean de Conflans, maréchal de Champagne. Robert de Corbie décrit la journée du 22 février 1358 mais oublie volontairement de parler des passages gênants du massacre. Outrés, les champenois quittent les lieux. Ils demandent la présence du Régent sans les parisiens.

Charles leur détaille les choses suivantes : « je tiens et je crois fermement que le maréchal de Champagne et messire Robert de Clermont m’ont loyalement et bien servi. Et je n’ai jamais entendu dire le contraire. »

Soulagés, les nobles champenois rétorquent : «  Monseigneur, nous, champenois, qui sommes ici, nous vous remercions de ce que vous nous avez dit et nous attendons que vous fassiez bonne justice de ceux qui ont mis notre parent à mort et sans cause. »

Charles a joué très fin. Il a ramené à sa cause toute la Champagne en scellant une alliance. Maintenant il a le soutien tant attendu. Dés le 12 avril 1358, il s’empare des villes de Montereau et de Meaux. Étienne Marcel est désabusé. Il s’est fait avoir. Il n’aurait jamais du laisser partir le régent de Paris.

La guerre est déclarée entre eux….

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *