LE SIÈGE DE ROUEN JUILLET 1418 – JANVIER 1419

LE SIÈGE DE ROUEN JUILLET 1418 – JANVIER 1419

Charles V avait laissé un royaume florissant. Tous les territoires perdus par son père Jean II furent récupérés . La France retrouvait ses frontières d’avant le début de la guerre de Cent Ans. À sa mort, il laissa, à son fils, une dizaine de millions d’écus d’or et une économie prospère.

Après la mort de Charles V, la France bascula dans l’anarchie. Charles VI, trop jeune pour gouverner, la régence fut donnée à ses oncles qui dilapidèrent le trésor amassé par leur frère sauf son oncle maternel, le comte de Bourbon. Plusieurs regrettables évènements vinrent semer le chaos dans le royaume. En 1392, Charles VI fut victime d’une première crise de démence, dans la forêt du Mans, qui le poursuivra et s’accentuera jusqu’à sa mort en 1422.

En 1407, son frère, Louis Ier d’Orléans, fut assassiné par les hommes de main de Jean Ier, duc de Bourgogne dit Jean sans peur, cousin du roi. À la suite, la querelle des Armagnacs et des Bourguignons ensanglanta la France. En 1415, la cinglante et désastreuse défaite des Français à Azincourt ouvrit les portes de la France aux Anglais d’Henri V.

Henri V, avec une armée de 12 000 hommes, débarqua à Touques ( Calvados ) le 1er août 1417. Il conquit Caen, Bayeux, Honfleur et l’Aigle. Les places fortes ne résistèrent pas, car aucun renfort de l’ost royal ne vint à leur secours. La confusion était totale, dans Paris, avec un roi « fol ». Finalement, toute la Normandie tomba aux mains des Anglais sauf Rouen ; Henri V profita de la guerre civile pour avancer sur Paris et prendre la couronne des rois de France comme l’avait souhaité son aïeul, Édouard III.

Il trouva sur son chemin, la résistance inattendue d’une place forte, Rouen. Fin juin 1418, il campa sous les remparts de la ville. Jean sans peur, à ce moment, contrôlait le pouvoir à Paris après en avoir chassé, et surtout fait assassiner, les Armagnac avec l’aide du tueur Capeluche.

La bourgeoisie rejoignit ses rangs, dont celle de Rouen. Il décida de renforcer la garnison avec quatre mille gens d’armes encadrés par ses capitaines aguerris comme les sires de Neuchâtel, de Montagu et le bâtard de Thian. Avec la milice de Rouen, ils étaient, maintenant, quinze mille hommes bien armés. Il donna le commandement de la place forte à Guy le Bouteiller, un noble normand du pays de Caux. Il fit renforcer les murailles et les pourvut de machines de guerre. Il ordonna à tous ceux qui n’avaient pas de vivres pour six mois de quitter les lieux. Malgré toutes ces précautions, les greniers de la ville n’étaient pas pleins.

Henri V encercla la ville et en contrôla toutes les portes. À chacune d’elle, il y plaça ses commandants comme les ducs d’Exeter, de Clarence, de Gloucester, les comtes de Warwick et de Salisbury et les lords Maréchal, Cornwall et Mevill. Les Anglais creusèrent de profonds fossés qui communiquaient entre eux afin de se mettre à l’abri des tirs de canons. Les assiégés s’efforcèrent d’interrompre leur construction, en vain. Enfin, huit mille Irlandais battirent la campagne environnante et rapportèrent de riches butins au roi. Le siège de la ville commença le 29 juillet 1418. Après quelques mois de siège, les munitions s’épuisèrent. Le commandant de la place réussit à envoyer un messager à Paris, maître Eustache de Pavilly, pour plaider la cause de la ville et demander des renforts en hommes et en munition au duc de Bourgogne et au roi. Il tint ce langage.

« — Sire, les bourgeois de Rouen sont attachés à la couronne de France et demandent votre secours ! Si vous nous abandonnez, nous serions obligés de nous livrer aux Anglais et de faire serment de fidélité au roi Henri V. Le roi n’aurait plus pires ennemis qu’eux.

Le duc de Bourgogne lui répondit, ainsi.

Maître, nous entendons et nous vous enverrons des renforts et des munitions. Retournez à Rouen le dire à vos amis ! »

Les renforts ne viendront pas, car le duc souhaitait envoyer des Flamands, de son camp, mais il ne put pas à cause des multiples traités qui l’en empêchèrent et l’autre moitié de la France se trouvait dans les mains des Armagnacs. Il se contenta d’envoyer des ambassadeurs à Pont de l’Arche négocier une bonne reddition. Les rouennais reprirent espoir. Début décembre 1418, les vivres étaient presque épuisées. Ils durent se résigner à manger les chats, les chevaux et toute la nourriture immonde qu’ils pouvaient attraper. Le commandant de la garnison évacua «  les bouches inutiles » les vieillards et les enfants. Ils moururent par centaines dans les fossés des Anglais qui refusaient de les nourrir. Un autre émissaire partit pour Beauvais pour exposer leur détresse. Le duc de Bourgogne leur promit des renforts début janvier. Ils ne viendront pas. Ils se résignèrent à résister. Depuis le début du siège, cinquante mille morts furent dénombrés dans la ville. À la fête de Noël, le duc tourna le dos à la demande expresse de Rouen et quitta Beauvais.

La résistance était de plus en plus difficile. Henri V, au lieu d’avoir pitié pour leur bravoure, n’aspira, maintenant, qu’à une cruelle vengeance. Mis au courant qu’il n’y aura pas de quartier, les Rouennais décidèrent de tenter une sortie et de mourir l’épée à la main au lieu de mourir de faim ou sur l’échafaud. Le 13 janvier 1419, Henri V, averti de cette résolution désespérée, leur proposa une capitulation correcte.

Le 19 janvier, Rouen se rendit. La ville dut payer une rançon de trois cent mille livres, toutes les armes furent rendues aux Anglais, les soldats quittèrent la ville et jurèrent de ne pas combattre contre le roi d’Angleterre jusqu’au 1er janvier 1420. Henri V reçut le serment de fidélité des bourgeois de la ville dont le premier fut Guillaume le Bouteiller, le commandant de la milice.

Ce siège de Rouen ouvrit les yeux aux deux factions rivales. Le 14 mai 1419, Charles VII et Jean Ier de Bourgogne signèrent une trêve pour résister à l’envahisseur anglais.

Source : Histoire des Français – Volume 7 – Page 317 – Jean-Charles-Léonard Simonde de Sismondi · 1847

 

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