DU GUESCLIN, CAPITAINE DE PONTORSON
Les exploits du siège de Rennes, en 1357, ne passent pas inaperçus auprès de Charles de Blois et du dauphin Charles. Bertrand Du Guesclin est récompensé pour sa bravoure.
Charles de Blois le fait chevalier. Il lui confère la seigneurie de la Roche-Derrien. Grâce à ce don, Bertrand augmente son rang dans la noblesse bretonne et son train de vie, bien sûr. Une amitié solide liera ces 2 hommes jusqu’à la mort du duc le 29 septembre 1364 à la bataille d’Auray mettant fin à la guerre de succession des ducs de Bretagne. Et pourtant tout les oppose. Charles de Blois reçoit une éducation religieuse allant jusqu’à la dévotion. Il fait vœux de chasteté malgré un mariage avec la duchesse Jeanne de Penthièvre. Il est piètre chef de guerre. Du Guesclin, quant à lui, est le contraire. La piété n’est pas son fait. Il aime les combats, la sueur et le sang. C’est un grand chef de bande qui deviendra un grand chef de guerre.
Quant au dauphin, il lui octroie une rente annuelle de 200 livres et le nomme capitaine général de Pontorson, du Mont St Michel
et le manoir de Sacey (Sud Manche).
Or, Bertrand a fort à faire dans cette région. C’est un cadeau empoisonné. N’oublions pas qu’Édouard III a ravagé tout le Cotentin quelques années auparavant. Les villes sont tenues soit par des anglais, des navarrais ou des mercenaires qui pillent les campagnes. Cette partie de la basse Normandie est à genou.
La garnison de Pontorson a un effectif faible en homme. Il se fait aider par la paysannerie dont il a un profond respect. Il le gardera jusqu’à sa mort. Cette protection de la garnison et de son environnement coûte cher. Tout doit être payé par le dauphin mais l’argent n’arrive pas. Il n’accepte pas cette situation. Bertrand est un homme juste et droit. Il explique à son entourage : « Le dauphin doit payer, si l’argent ne vient pas à moi, j’irais le chercher à Paris. »
Le dauphin est bien mauvaise posture avec Étienne Marcel. Il a même quitté Paris. Il est à Provins. Qu’importe, Bertrand rejoint le dauphin, le rencontre et explique son problème. Par lettre du 12 avril 1358, le dauphin demande aux généraux des finances de payer la solde de la garnison de Pontorson et de son capitaine.
Voilà un capitaine qui réclame son dû au futur roi de France. Osé ou inconscient, pourtant ça marche.
En effet, autour de la capitale, les villes sont soit aux mains des navarrais, des anglais ou des mercenaires. Il décide de desserrer l’étau. C’est à cette période que nous retrouvons le capitaine de Pontorson, Bertrand Du Guesclin.
A cette époque, le trafic des marchandises et du ravitaillement se fait par voie d’eau. Or, la Seine, l’Oise et la Marne sont contrôlées par les anglo-navarrais. Le premier objectif de Charles est Melun tenue par les navarrais. Le château et la rive gauche est navarrais et la rive droite est française. Mais ce château est encore plus important à prendre car y habitent 3 reines : Jeanne d’Évreux, femme de Charles le Mauvais, Blanche de Navarre, veuve de Philippe VI et sa fille, Jeanne de France.
Le dauphin lève une armée de 4 000 lances et de nombreux piétons. Nouveau à cette période, il emmène de l’artillerie comprenant plusieurs pièces légères et 2 gros canons. A la tête de cette armée, le Connétable Robert de Fiennes. Bertrand du Guesclin, quant à lui, est capitaine d’une petite compagnie de bretons.
Le siège de Melun commence le 18 juin 1359. La ville et le château sont bombardés de projectiles. A la tête de la garnison de la ville un espagnol Martin Enriquez dit Martin de Navarre et le fameux Bascon de Mareuil. Charles est en retrait. On ne va pas refaire Poitiers !! La bataille est engagée. Les français attaquent le château mais celui-ci résiste. Les flèches volent sur les défenseurs du château, les échelles sont posées, on commence à escalader les murs. Du Guesclin est l’un des premiers à s’élancer.
Il voit le Bascon de Mareuil, son pire ennemi. Furieux, il vocifère les mots suivants : « Quel bonheur si je pouvais lui enfoncer ma dague dans le corps. »
Mais l’attaque est repoussée par des jets de pierres. Enragé, il repart seul au combat. Les défenseurs, surpris, le voyant dirent sur un ton ironique : « Regardez comme il est court, gros et carré ». A ce moment, il reçoit un jet de pierres qui le déséquilibre et l’envoie à terre. Il tombe la tête la première.
Charles qui a vu la scène envoie des gens à son secours. Il se renseigne sur l’identité de ce vaillant chevalier.
«- Mais Monseigneur, vous n’avez jamais entendu parler de Bertrand Du Guesclin qui défend si bien les valeurs de votre cousin Charles de Blois.
– Par ma foi, je me souviendrais de lui. »
Réveillé, Bertrand repart au combat et déjoue une sortie des défenseurs du château. Il les repousse jusqu’au pont-levis. Mais le siège de Melun tourne court. Politique oblige. Charles le Mauvais entame des négociations avec Charles, le Régent. Le 21 août 1359 est signé le traité de Pontoise. Charles de Navarre prête hommage au Régent. On lui restitue les forteresses pris par les français et Du Guesclin retourne à Pontorson. Il reprend ses escarmouches.
Il fait prisonnier Guillaume de Windsor, époux de la maîtresse d’Édouard III. Guillaume paie sa rançon et est libéré. Puis, à son tour, Bertrand est fait prisonnier par Robert Knollys. L’opération est identique. Il est libéré.
Maintenant Du Guesclin porte toute son attention sur la Normandie. En effet, les membres de la famille royale le nomment lieutenant afin de défendre leurs terres.
Qui sont ces hauts dignitaires qui ont si confiance en lui ? Il y a là :
Philippe, duc d’Orléans et frère de Jean II, qui a fui la bataille de Poitiers. Son épouse n’est autre que Blanche de France, châtelaine de Pontorson.
Louis I° d’Anjou, deuxième fils de Jean II, prisonnier à la Tour de Londres qui s’enfuit. Il refusera de revenir en Angleterre. Il nomme Du Guesclin, lieutenant dans le Maine et l’Anjou.
Pierre II de Valois, comte d’Alençon et cousin du roi, qui est l’un des seigneurs de Du Guesclin.
Bertrand Du Guesclin est un organisateur, un tacticien et un chef de guerre. Il fera du Mont St Michel son QG, Pontorson sa position stratégique entre la Normandie, l’Anjou et la Bretagne et de son château il surveillera tout l’ouest du royaume. Il est le principal représentant du régent dans cette région.
En janvier 1362 Charles, duc de Normandie, pour le récompenser des résultats de ses campagnes contre les anglo-navarrais, lui donne le château et les remparts de la seigneurie de la Roche Tesson (sud Manche). Grâce à cette acquisition, il devient conseiller du roi et chevalier banneret. Cette forteresse est située sur la route d’Avranche à St lô, route stratégique vers le sud. Possesseur de la Roche Tesson (sud Manche), la Motte-Broons (côte d’Armor), de Sens de Bretagne (Ille et Vilaine) par sa mère, la Roche-Derrien (côte d’Armor) et en plus, capitaine de Pontorson (Sud Manche), il fait maintenant figure honorable par ses revenus.
Durant toutes ces années, Bertrand a été intransigeant pour lui-même, ses ennemis mais aussi ses amis comme le régent auquel il a osé demander la paiement de la solde pour ses hommes. Il s’est forgé une solide réputation d’honnêteté et de rigueur.