CHARLES V, LE REFORMATEUR
Les qualités premières d’un chef, avant Charles V, étaient la force corporelle et l’aptitude à la guerre. Un chef était un guerrier et un batailleur à cheval, heaume sur la tête et l’épée au poing. Mais avec Charles V, nous sommes dans le personnage idyllique inverse. Faible et maladif, il administre et gouverne. Il dirige la guerre, il négocie et il intrigue. Il substitue la corruption, la ruse et surtout la patience à la fougue, à la force et à la violence. Charles est un roi civil. On le surnommera « Le Sage ». Il est savant, lettré et doté d’une grande sagesse. Il se situe entre un père abusif, tordu et dénué de toute modération et un fils fou à lier. Il décide de réformer la France et, surtout, de ne pas tomber dans les errements du passé.
1° Il faut éliminer les mercenaires qui pillent la France.
La relative paix entre les puissances a jeté une quantité innombrable de soldats sur les routes de France. Ils se sont regroupés en compagnies telles : la Compagnie Blanche, les Tards-Venus, les Routiers ou les Malandrins. La France n’a ni les moyens humains et ni l’argent pour lever une armée pour les combattre ou pour les embaucher au service du roi. De plus, Charles V se souvient très bien de cette triste journée du 06 avril 1362 à Brignais où l’armée royale, envoyée par son père, a été écrasée par les Tards-Venus. Donc, il faut trouver une autre solution.
Une première proposition serait de les mettre au service du roi de Hongrie pour combattre les turcs un peu trop envahissants. Mais les mercenaires refusent car ils connaissent bien les Balkans et leurs pièges. Il faut leur proposer une autre croisade car leurs rangs grossissent de jour et jour. Ce ne sont plus seulement des voleurs et des aventuriers mais maintenant des cadets de familles sans patrimoine, des chevaliers et des seigneurs de bonne lignée qui se joignent à cette armée hétéroclite.
Une ultime solution est trouvée. Une chance ! Elle vient de la Castille. Henri Trastamare, frère consanguin de Pierre le Cruel, veut prendre le trône à son demi-frère impitoyable et barbare. Il s’accorde avec le pape, le roi d’Aragon et le roi de France pour employer tous les mercenaires pour faire le travail. 12 000 gredins acceptent cette proposition. Cette expédition sera commandée par Bertrand Du Guesclin. Certains ne partiront pas en croisade. Ils seront exterminés par l’armée royale.
Le calme revient petit à petit dans les campagnes et les villes. Le roi est acclamé pour ses bienfaits.
2° Réformes des institutions
Sa douloureuse expérience de la révolte des marchands parisiens d’Étienne Marcel et la Jacquerie dans le Vexin ressurgit dans son esprit. Il n’est pas question de revivre ces moments.
– Substitution des États Généraux par des assemblées de notables désignées par ses propres officiers.
– Aux formes d’élection municipale, il préfère le système des prévôtés royales.
3° Réforme des lois fondamentales de la monarchie
– Par l’édit de Vincennes (1374), il fixe l’âge de la majorité d’être roi soit 14 ans.
– En cas de minorité d’âge du roi, la régence revient au plus proche parent aîné et majeur. Les droits du régent s’étendent à tous les actes d’administration à l’exercice plein et entier de l’autorité royale
– La garde de l’enfant roi est dévolue à sa mère. La tutelle est exercée par un conseil des parents, de presque tous les officiers du Palais, des membres du Parlement et de la Cour des Comptes.
4° Stabilisation de la monnaie
Depuis Philippe VI de Valois y compris dans les débuts de la régence de Charles, la monnaie a souvent été altérée quand les rois voulaient se procurer de l’argent. Les français se sont appauvris. En plus, circulent des monnaies étrangères peu fiables donc peu stables. Charles juge qu’il est grand temps d’y remédier. Il décide de rapprocher le prix des métaux de la valeur qu’ils avaient sous Philippe VI de Valois et la monnaie actuelle. Pendant tout son règne, il n’y aura aucune altération de la monnaie. Elle est stabilisée. Par cette action, les monnaies étrangères n’ont plus de valeur. La création de monnaie intérieure est purement et simplement interdite. Une économie réfléchie est mise en place.
Tout don fait par le roi doit être motivé et examiné par la cour des Comptes.
Il fait appel aux juifs qui possèdent de grands capitaux. En retour de leur avance d’argent au royaume, il leur accorde une protection efficace, même contre les ecclésiastiques.
5° Relance de l’économie
Il veut soulager les régions éprouvées par tant de guerres. Il réduit le poids des impôts. Pour combler ce vide d’argent, il décide d’améliorer les domaines de la couronne dont les revenus sont sa plus grande richesse. Il nomme des commissaires chargés de visiter tous les domaines de la couronne, de réformer les abus et de faire rentrer dans le patrimoine royal tous les domaines détachés pour différentes raisons. Bientôt l’abondance renaît du travail des cultivateurs. Le commerce a aussi ses changements. Pour Charles, il a besoin, pour prospérer, de libertés. Il relance tous les corps de métier par le renouvellement et l’augmentation de leurs privilèges.
6° Le commerce extérieur
Du fait de cette stabilité économique, les étrangers sont attirés par la France. Les castillans, portugais et surtout les italiens utilisent nos ports pour commercer. Il supprime « le droit d’aubaine ». C’était un droit d’origine féodale que le seigneur disposait des biens d’un étranger, ou « aubain », lorsque ce dernier mourait dans le périmètre de sa souveraineté.
7° Institutions militaires
Création d’une école militaire pour la tactique de guerre. Sous son règne, fini l’esprit chevaleresque du passé, l’ost est rangée aux archives. Pas d’innovation importante. Les grandes réformes militaires seront engagées sous le règne de Charles VII.
Sitôt les compagnies exterminées, il réorganise l’armée. Après avoir consulté, les princes et les hauts dignitaires militaires, il rend l’ordonnance suivante pour la police militaire : Mise en place d’une police militaire qui accorde aux défenseurs de l’État des avantages et des honneurs légitimes qui leur sont dus.
– Le connétable, les maréchaux et les grands maîtres des arbalétriers ont ordre de choisir un lieutenant, chargé de la revue des troupes
– Il est interdit aux hommes de quitter la compagnie sans autorisation d’un supérieur, sous peine de perdre sa solde.
– Il est interdit de prendre aux paysans sans payer en retour
– Tout soldat qui retourne chez lui, ne doit pas causer de désordres sur sa route.
– Cent soldats par compagnie. Leur chef reçoit 100 livres par mois
– Les commandants de compagnies sont responsables de leur personnel placé sous ses ordres
– Les soldats sont payés mensuellement selon leur rang dans la compagnie.
Maintenant, l’armée est encadrée, plus docile, plus maniable et surtout entre les mains du roi. Grâce cette nouvelle organisation, le duc de Lancastre n’a jamais pu batailler et a fait une expédition, à travers la France, calamiteuse en 1373 car les chefs militaires français respectent les ordres du roi à la lettre : « Ne pas engager le combat, appliquer la politique de la terre brûlée, renforcer les garnisons afin de protéger la population et harceler les arrières de l’ennemi. »
8° Réforme de l’Université
Il réforme l’Université avec l’aide des cardinaux Gilles de Montaigut et Jean de Blandiasc, des envoyés du pape. On fixe un emploi du temps dans les matières comme la théologie, le droit, la médecine et dans les arts. Le roi accorde de grands privilèges aux recteurs et aux écoliers. Hugues Aubriot, prévôt de Paris, jure dans la salle des Bernardins, sur les Saints Évangiles, qu’il conservera tous les privilèges de l’Université tant qu’il en aura la charge.
9° Charles V le bâtisseur
Pendant son règne, il fait construire les châteaux de St Germain, Beauté-sur-Marne, Creil, Montargis et réaménage l’hôtel Saint-Pol à Paris. Tous sont décorés par des artistes les plus habiles de l’époque sous la direction de Jean de St Romain et de François d’Orléans.
Sous son règne, il rassemble plus de neuf cents manuscrits dans une des tours du Louvre comme première pierre de la bibliothèque royale. Il fonde le monastère des Célestins. Il ordonne aussi la construction de la Bastille (1370-1383) et l’enceinte Charles V de Paris ( 1356-1383 ) élargissement de la capitale.
10° Armes des rois de France
Charles V réduit le nombres de lys à trois, en 1376, en l’honneur de la Sainte Trinité ( le Père, le Fils et le Saint-Esprit )
Malgré tous ses réformes pour soulager la misère des peuples, il a beaucoup de mal à baisser les impôts. L’épuisement des finances ne lui a pas permis de les diminuer autant qu’il aurait voulu. Mais, le pays retrouve de la prospérité et de la richesse après deux décennies de « vaches maigres » voire « très maigres ».